À la fin, c’est l’Allemagne qui perd…

par Gilles Bridier |  publié le 25/02/2025

Le moteur allemand basé sur l’industrie est grippé, la productivité recule et les choix énergétiques sont remis en question. Le retour du nucléaire se profile.

Le 18 février 2025, le chancelier fédéral Olaf Scholz examine la production à l'usine Volkswagen d'Emden. Ces dernières années, VW a transformé l’usine en une usine exclusivement destinée à la production de voitures électriques. (Photo de Sina Schuldt / dpa Picture-Alliance via AFP)

L’Allemagne cumule aujourd’hui les paradoxes. Parvenue à un point de rupture de son modèle économique, elle est contrainte de se réinventer. Elle est redevenue la troisième puissance mondiale en détrônant le Japon en 2023, mais son économie est aujourd’hui stagnante. Elle a même subi deux années consécutives de récession en 2023 et 2024, et l’avantage pris sur le Japon tient beaucoup au recul du yen face à l’euro. Elle pèse le quart du PIB de l’Union européenne, devançant tous ses partenaires européens, mais elle est, avec la France, lanterne rouge de la croissance dans l’UE. Le marché de l’emploi, avec plus de 46 millions d’actifs l’an dernier, n’a jamais été aussi nombreux depuis la réunification, et pourtant le taux de chômage augmente, dépassant 6% (un niveau jugé élevé outre-Rhin) sous l’effet d’une importante immigration.

Le poids de l’industrie est toujours élevé autour de 21%, représentant dans la valeur ajoutée nationale le double de son niveau en France. Mais la réduction des investissements du fait du ralentissement économique s’est traduite par la perte de quelque 50.000 emplois l’an dernier.

En cause, notamment, l’industrie automobile, moteur de l’économie. Car si les marques allemandes font toujours partie du gotha automobile mondial, elles sont prises en tenaille entre le resserrement programmé des exportations aux États-Unis et la pression inexorable des marques chinoises qui ont pris l’ascendant dans la motorisation électrique. En annonçant la suppression de 35.000 emplois d’ici à 2030, Volkswagen qui fut le symbole du rayonnement de l’Allemagne dans le monde, est devenu l’expression de son retournement.

Les causes ne tiennent pas qu’à l’isolationnisme américain et à l’agressivité des productions chinoises face auxquelles l’Europe a perdu la bataille de la productivité. L’Allemagne paie au prix fort sa décision de tourner le dos au nucléaire prises en 2002, décision qui avait déclenché une levée de boucliers des industriels. Mais sous la pression de ses alliés Verts au gouvernement, le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder était passé outre pour satisfaire alors son opinion publique.

Cette sortie du nucléaire fut même accélérée en 2011 par Angela Merkel, chancelière chrétienne démocrate qui comptait sur le renforcement de la relation avec Moscou pour son approvisionnement en gaz russe. Avant l’agression de l’Ukraine par Moscou, plus de 25% de la consommation d’énergie primaire en Allemagne provenait du gaz naturel, dont les deux tiers étaient importés de Russie. Cette stratégie de Berlin a été battue en brèche par la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, alors que le pays s’est équipé d’infrastructures pour l’importation de GNL, le gaz ne représente plus que 15% dans la production énergétique, un différentiel que les énergies vertes, à l’origine de 40% de l’électricité produite, ne parviennent pas à compenser. L’Allemagne a même été menacée d’une pénurie d’électricité.

La perte de productivité de l’industrie allemande provient beaucoup du coût élevé de l’énergie. Une réorganisation du mix énergétique, vitale pour le pays, est en cours, et le débat est relancé outre-Rhin en faveur d’un retour du nucléaire. C’est notamment l’option défendue par la CDU/CSU, alors que la dernière centrale allemande a été fermée en 2023.

Gilles Bridier