Affaires étrangères : Barrot, le techno du Quai
Le jeune ministre des Affaires étrangères, dont la compétence est volontiers saluée, va devoir la mesurer sans délai à de considérables défis.
Le moins qu’on puisse dire est que le vent de la grande Histoire ne semble pas souffler sur la nuque fort dégagée du très « techno » nouveau ministre des Affaires étrangères. Jean-Noël Barrot, 41 ans, homme affable et discret, est le fils d’un de ceux qui incarnèrent auprès de Valéry Giscard d’Estaing la démocratie chrétienne à la française, avec Bernard Stasi ou Pierre Méhaignerie, au sein du Centre des démocrates sociaux, le brillant et roué Jacques Barrot, à l’impayable voix de fausset, plusieurs fois ministre, vice-président de la Commission européenne et membre du Conseil constitutionnel.
Proche de François Bayrou, le jeune député des Yvelines est issu des rangs clairsemés mais influents du MoDem dont il fut le porte-parole. Diplômé d’HEC, docteur en gestion, spécialiste des questions de management et de finance entrepreneuriales, il est un expert du fonctionnement parlementaire, de l’évaluation de l’efficacité de l’action publique, de l’aménagement du territoire, notamment dans le champ des transports, et du secteur de la démocratisation raisonnée de l’accès au numérique, dont le charge Elisabeth Borne en le nommant en juillet 2022 ministre délégué auprès de Bruno le Maire.
Il devient en février 2024 ministre délégué chargé de l’Europe aux côtés de Stéphane Séjourné – en remplacement de la maladroite Laurence Boone – et prend part à un exercice ministériel timoré, soumis aux palinodies et aux improvisations d’une présidence jalouse de son pré carré et peu soucieuse de professionnalisme diplomatique. Réélu député en juillet dernier, le très européen, américanophile et poutinophobe Barrot, féru de culture italienne, présidait depuis, en ministre démissionnaire, la commission des affaires étrangères du Palais-Bourbon.
La nomination du jeune homme, déjà saluée par les chancelleries européennes, semble motivée par son innocuité politique, par son efficacité et par ses capacités prospectives. Son positionnement sur l’échiquier partisan national est de nature à assoir sa position dans l’équipe de Michel Barnier dont il partage la conception de l’Europe et admire les faits d’armes de négociateur des conditions du Brexit. Il prend la tête d’une administration qui peine, depuis le départ de Jean-Yves le Drian, pour des raisons diverses, à cerner la trajectoire de politique internationale d’un pays qui a pris l’habitude d’irriter.
Ce pays, de douloureuses échéances budgétaires européennes l’attendent, qui appellent une connaissance fine des arcanes bruxelloises et une parfaite harmonie encore le Quai d’Orsay et Matignon. Elles convoqueront aussi une force de caractère que ne devrait pas tarder à mettre à l’épreuve l’étrange attelage entre la rigueur volontiers cassante d’un Premier ministre dont la compétence diplomatique n’est pas à démontrer et le narcissisme « inspiré » du président de la République, dont les virages intempestifs et velléitaires en matière de politique extérieure effarent jusqu’aux plus amènes de ses conseillers…