Airbus face à Trump: même pas peur!

par Gilles Bridier |  publié le 14/04/2025

Les avions européens sont menacés d’une surtaxe de 20% aux États-Unis, mais Airbus a de l’avance et Boeing souffrira aussi de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump.

Un Airbus A350 de Japan Airlines et un Boeing 777 d'American Airlines sont photographiés, tandis qu'un Boeing 747 cargo d'Atlas Air est visible en arrière-plan à l'aéroport John F. Kennedy de New York, le 5 mars 2025. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Le duel Boeing-Airbus va rebondir sur fond de guerre commerciale déclenchée par Donald Trump. Depuis plusieurs années, le match a tourné en faveur de l’européen. Rien que l’an dernier, Airbus a livré 766 appareils dans le monde contre 348 pour l’américain, soit plus du double… dont une bonne partie auprès de compagnies américaines. Un insoutenable affront, pour Trump ! Mais le champion européen va devoir composer avec une hausse annoncée de 20% des droits de douane sur le marché américain. De quoi donner l’avantage au géant de Seattle ? Pas sûr…

Airbus a déjà dû composer avec une hausse des droits de douane américains lors du premier mandat de Donald Trump. Sa direction à Blagnac, près de Toulouse, a donc l’expérience de cette situation. Elle rappelle que le groupe produit des appareils sur le sol américain depuis 2015, à Mobile dans l’Alabama, que cinq cents appareils sont sortis de chaîne sur place en dix ans, et qu’une deuxième ligne de montage doit être ouverte cette année. Car la demande potentielle est considérable : les deux constructeurs estiment que la flotte mondiale d’avions de ligne passera de 28.000 unités aujourd’hui à 46.000 en 2040. Airbus qui, en plus de l’Europe, possède aussi une unité de production en Chine, a donc choisi de se muscler aux États-Unis où le consortium emploie en direct quelque 5.000 salariés, et en fait travailler 275.000 autres chez ses 2000 sous-traitants américains. De solides arguments à défendre auprès de l’administration Trump.

Face à lui, Boeing traverse une mauvaise passe. Entre les accidents dans lesquels un de ses appareils est impliqué et les procès qui s’en sont suivis, l’arrêt provisoire de production de ses 737 Max à cause de défauts de fabrication, les sept semaines de grève qui lui ont coûté plusieurs milliards de dollars et les « graves faux-pas » confessés par le PDG du groupe devant de le Sénat américain, le champion américain est tombé de son piédestal. Un exemple: lorsqu’Airbus annonce 5,1 milliards de dollars de profit dans le secteur de l’aviation civile l’an dernier, Boeing déplore 7,7 milliards de pertes sur la même activité. Une tache sur le « Make America Great Again »!

La chaîne de production des appareils des deux concurrents est devenue internationale. S’agissant de Boeing, en plus de son site de production au Royaume Uni à Sheffield, l’avionneur a établi un partenariat avec l’Italie et importe des pièces du monde entier, notamment du Japon et du Mexique, mais aussi de France pour motoriser une partie de ses avions dans le cadre de la coopération entre General Electric et Safran sur les réacteurs CFM. Ainsi, la guerre commerciale lancée par l’administration Trump ne sera pas neutre pour Boeing, qui subira aussi la hausse des droits de douane sur tous les sous-ensembles et productions provenant d’Europe ou d’Asie.

En outre, les compagnies américaines elles-mêmes, qui ont l’habitude de faire jouer la concurrence entre les deux géants, n’ont pas intérêt à ce qu’elle soit faussée par des taxes qui pénaliseraient l’un par rapport à l’autre. En ce sens, la stratégie de Donald Trump est contraire à leurs intérêts. Mais heureusement pour elles, comme pour Airbus, elles pourront toujours contourner la réglementation fiscale en acquérant des appareils en leasing auprès de sociétés spécialisées basées en Irlande, au Luxembourg, à Dubaï ou à Singapour… et qui, selon le principe du leasing quel que soit le secteur, restent propriétaires des aéronefs durant le contrat. Le leasing aérien couvre aujourd’hui près de la moitié de la flotte mondiale. Pas besoin, pour une compagnie américaine, de faire franchir la douane américaine à un avion pour pouvoir l’exploiter.

Quoi qu’il en soit, pour Airbus fort d’un carnet de commandes de plus de 8600 appareils, le principal défi consiste à honorer les contrats. Le problème des taxes vient ensuite. Son meilleur allié en l’occurrence est… Boeing, qui n’a aucun intérêt non plus à voir perdurer cette guerre des droits de douane.

Gilles Bridier