Apprendre à Trump l’art du deal
Les soutiens de l’Ukraine sont réunis à Kiev : c’est l’occasion pour eux d’administrer au président américain une leçon de diplomatie pour les nuls.

Volodymyr Zelensky réunit ce samedi la « coalition des volontaires », c’est-à-dire celle des alliés de l’Ukraine. Keir Starmer, Friedrich Merz, Donald Tusk et Emmanuel Macron sont à Kiev pour participer à une visioconférence rassemblant tous ceux qui ont compris qu’il fallait résister à Poutine. C’est l’occasion pour eux de faire comprendre à Donald Trump qu’on ne négocie pas avec Poutine en commençant par lui céder.
Orfèvre autoproclamé dans « l’art du deal », le président américain, on s’en souvient, s’était vanté de régler la crise ukrainienne « en 24 heures ». Depuis trois mois, il a multiplié les déclarations absurdes et dépêché sur place un dénommé Steve Witkoff, vendeur d’appartements de son état, notoirement ignare et incompétent. Comme on pouvait le prévoir, il n’est arrivé à rien. La guerre continue, Poutine ne moque de ses ennemis occidentaux et les Ukrainiens trahis doivent lutter pied à pied pour empêcher l’armée russe de profiter de l’occasion offerte par les Américains pour effectuer une percée décisive.
La raison de ce fiasco est limpide : Trump ne comprend rien à la diplomatie. Enfermé dans son monde parallèle, admirateur de la force qui néglige les rapports de force, il a lâché à Poutine des concessions décisives avant même que des discussions sérieuses ne s’engagent. Imaginant dans son esprit brumeux que Zelensky était le seul obstacle au compromis, il l’a humilié publiquement, sans oser toutefois mettre fin à l’aide que les États-Unis apportent à l’Ukraine. Voyant cela, Vladimir Poutine a fait semblant d’entrer dans le jeu américain tout en redoublant ses efforts militaires et en soignant ses relations avec ses alliés, la Chine au premier rang. L’action de Trump a affaibli un peu plus le camp des démocraties et placé la Russie en meilleure position pour imposer ses vues.
Il incombait donc aux Européens de reprendre la main, ce qu’ils s’efforcent de faire en dépit de toutes les faiblesses inhérentes à l’Union européenne, qui peine à parler d’une seule voix. Au moins ont-ils rétabli un début de bon sens sur cet échiquier tragique. Avant de discuter avec Poutine, ils ont accru l’aide financière à l’Ukraine en puisant dans les avoirs russes, poursuivi les livraisons d’armes, et menacé la Russie de sanctions supplémentaires si elle persistait dans son refus de négocier. Ils tentent maintenant d’élaborer un plan de paix plus réaliste et d’y associer les États-Unis.
C’est la seule voie possible : améliorer le rapport des forces pour négocier sur des bases équilibrées. Il est sans doute illusoire de penser à un renversement de la situation militaire. L’Ukraine est usée par la guerre, même si elle continue de résister héroïquement. Elle devra accepter un compromis territorial. Mais avant d’y consentir, elle doit recevoir des garanties crédibles de sécurité pour empêcher Poutine de réitérer son agression, qui a pour but de détruire la démocratie ukrainienne et de finlandiser par ce moyen l’est de l’Europe.
On ne sait encore si la réunion de Kiev permettra d’aller dans ce sens. Mais c’est la seule solution acceptable pour Zelensky et pour les démocraties, celle que les « volontaires » rassemblés aujourd’hui vont tâcher de faire progresser. Ainsi Donald Trump pourra peut-être comprendre ce signifie en fait « l’art du deal ».