Attaque contre les prisons : le spectre de Narcos

par Laurent Joffrin |  publié le 28/04/2025

Selon les autorités françaises, les suspects arrêtés dimanche à la suite des agressions armées lancées contre les prisons françaises sont liés au trafic de drogue. Une affaire aux connotations très sud-américaines…

Laurent Joffrin

Fort heureusement, nous ne sommes pas dans Narcos, la série à succès qui retrace la vie criminelle de Pablo Escobar, le parrain brutal et richissime du trafic de drogue en Colombie. Mais comment nier que nous risquons d’en prendre le chemin ?

Depuis hier, la police française a procédé à une vingtaine d’interpellation liées aux attentats perpétrés depuis une dizaine de jours contre les prisons du pays. Selon les sources officielles, ces suspects sont liés aux mafias de la drogue, même s’il est possible que certains militants de l’ultra-gauche se soient joints à eux pour cette campagne d’intimidation de l’État français.

Quel rapport avec Narcos ? Il est fort simple. À la fin des années 1980, le gouvernement colombien envisageait de signer avec les États-Unis un traité d’extradition des trafiquants colombiens. La raison ? Minées par la corruption et la terreur, les prisons colombiennes accordaient aux trafiquants emprisonnés des conditions de vie confortables et leur permettaient de poursuive leur activité depuis leur cellule. L’extradition avait pour but de transférer les condamnés dans les prisons américaines, où les conditions de détention étaient nettement plus dures, et de les couper de leurs contacts extérieurs, ce qui les empêchait de continuer à diriger leur réseau après leur arrestation. Pour parer ce danger, Escobar s’est lancé dans une vaste opération de terreur dirigée contre l’État colombien, avec des milliers d’assassinats à la clé, ce qui a conduit le gouvernement de son pays à négocier avec lui.

Comment ne pas rapprocher ce qui vient de se passer en France avec cet ancien épisode de la lutte contre les mafias de la drogue en Amérique latine ? Les députés français, en effet, viennent de voter une loi contre le narcotrafic qui comprend, entre autres, le regroupement des chefs arrêtés dans des prisons haute sécurité où ils seront privés de tout lien avec l’extérieur, sinon au cours d’entrevues rares et étroitement surveillées.

Selon toutes probabilités, c’est le vote de cette loi qui a conduit certains parrains – on parle de la « DZ mafia » qui opère principalement à Marseille – à lancer une série coordonnée d’attaques contre les prisons, destinées à faire peur aux agents de la pénitentiaire et à peser sur le gouvernement français.

Ces attaques démontrent la pertinence de la nouvelle loi : elles ont été en partie organisées, si l’on en croit les policiers, de l’intérieur même des prisons. C’est donc bien, certes sous une forme encore embryonnaire, le même schéma que celui qui a ravagé la Colombie des années 1980. Dans leur hubris de milliardaires de la coke, ces parrains habitués à l’assassinat et à la torture ont cru intimider la République en stipendiant les « sicarios » français chargés des attaques.

Ce qui doit conforter l’opinion dans son soutien aux réformes législatives et policières en cours. L’expérience latino-américaine montre que si ces phénomènes ne sont pas étouffés dans l’œuf, la puissance financière et la cruauté des narcos français poseront à la République des problèmes inextricables.

Laurent Joffrin