Aymeric Caron contre BHL

par Valérie Lecasble |  publié le 28/10/2024

Depuis de longues années, ils s’écharpent sur la Palestine. Cette fois, le député LFI accuse l’écrivain-cinéaste de renom d’être resté trop longtemps président du conseil de surveillance d’Arte et d’avoir utilisé la chaîne pour co-financer certains de ses films.

Capture d’écran, avec sous-titrage, de l'intervention d'Aymeric Caron demandant la démission de BHL du conseil de surveillance d'Arte

On ne vous cachera pas qu’à LeJournal.info, on préfère largement Bernard-Henri Lévy à Aymeric Caron. Le premier est un écrivain et un cinéaste audacieux, brillant et généreux qui a consacré sa vie alors qu’il aurait pu s’en dispenser, à prendre des risques pour sillonner le monde et défendre les causes parfois perdues de ses hommes et de leurs guerres. Le second est un ex-journaliste sans colonne vertébrale, reconverti en bateleur de La France Insoumise qui est capable d’abandonner à la hâte son projet de loi sur la corrida pour lequel il a bataillé pendant des mois sous le prétexte qu’il va se le faire retoquer. Plus grave et plus dangereux, il a adopté une posture systématiquement propalestinienne communautariste, faite d’invectives incessantes, qui lui ont permis de remporter dès le premier tour sa circonscription du 18ème arrondissement de Paris aux dernières élections législatives. A la moindre occasion, il ne manque pas de souligner le caractère « criminel » et « assassin » du gouvernement de Benyamin Netanyahou.

Aymeric Caron est la caricature du député LFI imprévisible, prêt à toutes les attaques et à toutes les outrances pour prendre une part active au chaos général que cherche à provoquer son maître Mélenchon. Parmi les députés de LFI, il est l’un des plus controversés et aussi l’un des plus imaginatifs qui ne craint jamais le ridicule. Dernier fait d’armes de celui qui a créé son parti animaliste, Révolution écologique pour le vivant, avant de rejoindre Jean-Luc Mélenchon : il vient de proposer sans rire – et sous une bronca générale – un crédit d’impôt de 30 euros par mois à toute personne qui possède un animal domestique sous prétexte que le prix de sa nourriture avec l’inflation a augmenté…

Provocateur mais loin d’être bête, Aymeric Caron sait parfois taper juste. Depuis de longues années, et en particulier lors de son passage à l’émission « On n’est pas couchés » de Laurent Ruquier, il a pris comme tête de turc Bernard-Henri Lévy pour dénoncer les morts à Gaza et s’écharper avec lui sur la Palestine. De l’antisionisme à l’antisémitisme, le chemin est tracé.
La cible est pour lui idéale. Quel meilleur adversaire pour se faire connaître que celui qui est déjà reconnu ? La méthode, élémentaire en politique, est de viser haut et fort pour tenter de se hisser au même niveau.

Cette fois, il va jusqu’à réclamer la démission de BHL de la présidence du conseil de surveillance d’Arte France que celui-ci occupe depuis près de trente ans et où il vient d’être renouvelé après une seconde modification des statuts de la chaîne de télévision en 2019 puis en 2024, afin de lui permettre de rester en poste bien qu’il soit atteint par la limite d’âge.
Aymeric Caron dénonce cette méthode « d’ancien régime » et le conflit d’intérêt que représenterait le co-financement par Arte de quatre films de BHL pour une somme totale de 750 000 euros. Sur le fond, il n’a pas tout à fait tort et Rachida Dati, qu’il interpelle sur le sujet, se délecte de renvoyer sa requête à Arte, puisque l’Etat français n’est pas directement responsable de ce renouvellement.

Pendant trente ans, BHL a soutenu cette chaîne de qualité et lui a apporté l’influence de ses réseaux puissants et variés. Il a tenu tête à Edouard Balladur et à Nicolas Sarkozy pour préserver le devenir et la ligne éditoriale de la chaîne, un rôle particulier dont Arte n’a eu qu’à se féliciter. Mais trente ans au même poste de président, cela fait beaucoup. Le moment paraît venu de décrocher même si cela ouvre le risque d’une crise de l’audiovisuel européen en ces temps mouvementés, en France et en Allemagne.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique