Bac de français : l’alpha et l’omega d’un système malade

par Boris Enet |  publié le 13/06/2025

Un demi-million d’élèves de première passaient leurs épreuves anticipées de français ce vendredi. La dernière épreuve reine, en matière d’orientation, à cause d’un calendrier fou.

Anne Bisagni-Faure, rectrice de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes et rectrice de l'académie de Lyon distribue les épreuves du baccalauréat français 2025 au lycée Charles Mérieux, le 13 juin 2025 à Lyon. (Photo : Albin Bonnard / Hans Lucas via AFP)

Depuis la réforme du baccalauréat en 2019, souhaitée par Jean-Michel Blanquer, les formules ont été variées et changeantes, sans compter l’épreuve de la Covid, venue compliquer la donne. Que le ministère de l’Éducation ne souhaite pas modifier une énième fois le calendrier scolaire peut s’entendre. Reste qu’il est inintelligible et inégalitaire pour les principaux concernés.

Dans la jungle fonctionnelle de Parcoursup, le baccalauréat de français reste la dernière épreuve nationale, anonymisée. Une forme de vestige fragile des temps anciens, quand le bac était un rituel aussi déterminant que le permis de conduire. Ce temps est révolu puisque l’orientation a désormais pris le dessus sur le premier diplôme du supérieur. Aucune nostalgie, à condition de clarifier les processus.

Les élèves l’ont compris, les familles également, mais l’institution scolaire fait semblant : le bac demeurerait une institution intacte. Dans l’incapacité de trancher entre les nécessités de l’orientation et la vieille institution bonapartiste du bachot, le calendrier fait la part belle à l’épreuve de français puisque les autres sont devenues des pis-aller tardifs sans conséquence, une fois les orientations actées pour les élèves les plus brillants. Repoussés en juin, les enseignements de spécialité, la philosophie et le grand oral – pourtant présenté comme une évolution majeure – n’ont aucune incidence pour des élèves assurant leurs évaluations au contrôle continu sur le dernier cycle du lycée (première et terminale).

Ce constat a poussé les établissements prestigieux du supérieur à coefficienter plus lourdement l’épreuve anticipée de français, considérant qu’elle demeurait la plus homogène et la moins inégalitaire qu’il soit entre les élèves. La réalité est évidemment toute autre. Elle présupposerait des commissions d’harmonisation efficientes sur l’ensemble du territoire, et une préparation idoine pour l’ensemble des lycéens – une bonne plaisanterie quand on connait les rouages fatigués de la rue de Grenelle. Mais il y a plus grave.

Alors que chacun reconnaît le mal être d’une jeunesse angoissée, dont la fragilité psychique interroge toutes les générations, indépendamment du milieu social, les mêmes engagent une partie de leur avenir toujours plus précocement. À 15 ans, dès le printemps en classe de seconde, il leur est demandé de sélectionner des disciplines et d’en écarter d’autres. À 16 ou 17 ans, ils jouent l’avenir de leur orientation, sans toujours le savoir, avec des algorithmes musclés accordant une place de choix au français au détriment du reste des disciplines.

Ici, nulle remise en cause de la sélection des meilleurs élèves. Que les évaluations soient prises en compte pour sélectionner les performances des élèves n’est pas la pire des recommandations et le plus absurde des critères. Mais la condition d’une telle sanction ne peut se faire que sur la transparence.

Le vieux bac, dans son ancienne version, s’apparentait à une épreuve à caractère national, comportant plusieurs épreuves en une semaine. Sans être la panacée, elle avait sa raison d’être et sa logique. Parcoursup, plate-forme décriée mais au final efficiente, a supplanté la réalité d’un diplôme tombé en désuétude, à l’exception des enfants de milieux populaires pour lesquels il conserve un sens. La confusion provient du maintien d’un bac déprécié, relégué par Parcoursup et dans le même temps, d’une épreuve anticipée de français au poids maximisé auprès d’adolescents, inconscients de l’importance de cette épreuve dans leur orientation sélective future.

Au regard des derniers évènements tragiques, cela peut sembler peu de chose, mais c’est particulièrement symptomatique d’un système qui perd crédibilité et sens auprès des 650 000 jeunes concernés, n’en connaissant pas toutes les arcanes. Dans ce domaine aussi, il faut revoir la copie, avec l’adoption de critères simples et lisibles. Dans la version actuelle, les enfants issus des milieux les plus précaires, socialement et affectivement, sont les premiers perdants.

Boris Enet