Bardella et l’antisémitisme

par Laurent Joffrin |  publié le 26/03/2025

Il y a, derrière la visite de Jordan Bardella et Marion Maréchal-Le Pen en Israël, un calcul politique qui a peu de choses à voir avec une conversion sincère.

Laurent Joffrin

« Je ne suis pas antisémite, j’ai des amis juifs » : c’est en substance le message que le Rassemblement national a émis en se faisant inviter en Israël par une association et un ministre, tous deux d’extrême-droite, et juifs, en effet.

Qui ne voit que cet adoubement procède surtout d’une solidarité idéologique : l’extrême-droite israélienne, dans une étrange souplesse, juge bon d’entretenir des liens avec ses homologues des autres pays, seraient-ils membres de formations au passé antisémite notoire, comme le parti lepéniste.

Le raisonnement est clair comme de l’eau de roche. Le RN a été fondé par des collabos ? Pas grave. Son fondateur a été condamné plusieurs fois pour propos négationnistes ou antisémites ? Peu importe. Lors de sa disparition, le parti lui a rendu hommage en se distanciant à peine de ses opinions scandaleuses ? Personne n’est parfait. Ce qui compte aux yeux des suprémacistes israéliens, c’est son soutien à la politique Netanyahou, ses convictions nationalistes, sa détestation de l’état de droit et, surtout, l’hostilité commune envers les musulmans. Les ennemis de nos ennemis sont nos amis : embrassons-nous Folleville ! Tel est le véritable calcul politique qui se cache derrière la présence de Jordan Bardella et Marion Maréchal-Le Pen en Israël.

Le président du CRIF, Yonathan Arfi ne s’y est pas trompé, pas plus que nombres d’organisations juives dans plusieurs pays, en Allemagne ou au Royaume-Uni par exemple. « Aujourd’hui, on sent bien que ce sujet est instrumentalisé pour mettre en scène un Rassemblement national nouveau dans une stratégie de conquête du pouvoir », a dit Yonathan Arfi, ajoutant que « face à l’antisémitisme, une mue peut s’opérer, mais pour cela, il faut qu’elle soit discrète et complète ». C’est un fait que s’il n’avait rien à se reprocher dans ce domaine, le RN n’éprouverait pas le besoin de proclamer si fort sa proximité avec Israël.

On dit que les lepénistes ont marqué un point dans leur stratégie de « dédiabolisation ». Certes, ils ont mis en veilleuse, officiellement en tout cas, leur ancien tropisme antisémite – l’hypocrisie est un hommage du vice à la vertu… Mais en proclament leur identité de vues avec les suprémacistes israéliens, ils confirment leur vraie nature : un parti nationaliste dont les principes et les idées sont manifestement contraires à la tradition républicaine.

Laurent Joffrin