Barnier, la carpette de Matignon
Antoine Armand, ministre de l’Économie et des Finances, avait écarté le RN des consultations sur le budget. Le Premier ministre l’a aussitôt recadré après avoir passé un coup de fil penaud à la cheffe du RN.
La vérité sort de la bouche, non des enfants, mais des jeunes ministres. Antoine Armand, nouveau et candide ministre de l’Économie, avait cru comprendre, comme tout le monde, que le « front républicain » contre le Rassemblement national avait dominé les dernières législatives. Sur France Inter hier matin, il a donc omis de compter le RN parmi les formations conviées à palabrer avec lui sur les ubuesques Phynances de la France. Horrible affront, crime de lèse-lepénisme, pour celle qui domine de toute sa hauteur les premiers pas du gouvernement Barnier !
Les caciques dudit RN ont aussitôt donné de la voix pour morigéner l’insolent, menaçant de jeter bas cet attelage gouvernemental composé sous sa férule. « On attend qu’il revienne à plat ventre, sinon ça ne va pas durer », a dit un député nationaliste. Le maître ayant parlé, le valet s’est exécuté. N’écoutant que son courage, comme le raconte Le Figaro, le Premier ministre, a appelé fissa Marine Le Pen pour tenter d’apaiser son auguste colère, assurant qu’elle serait reçue avec tous les égards à Bercy. Tapis rouge d’un côté, carpette de l’autre.
Pour faire bonne mesure, comme dans le PCF des années cinquante, c’est le ministre effronté qui a avalé publiquement son chapeau. Dans un communiqué – sans doute rédigé « à plat ventre » – il a contredit sans broncher les propos qu’il avait tenus le matin-même. Vérité à 7.50, erreur à 17.00. Sur certains sujets, on le constate, le pouvoir n’est plus à Matignon, mais à Montretout.
Il est en revanche un bon élève dans la classe lepénoïde. Fidèle à ses convictions – lui en a – Bruno Retailleau propose de supprimer l’Aide Médicale d’État qui autorise les immigrés sans papiers à se faire soigner dans les établissements de santé publique. Or ce dispositif, qui vise à prévenir les maladies graves, notamment les plus contagieuses, a été réformé plusieurs fois pour s’assurer qu’il ne bénéficierait pas à des patients recherchant des soins bénins ou de confort ; aussi bien, l’Assistance publique a déjà le droit de refuser quiconque chercherait à l’utiliser sans cause réelle et sérieuse.
En dépit de ces précautions, le ministre veut en réduire le champ d’application comme peau de chagrin, pour le réserver aux « cas d’urgence ». Ceux que les hôpitaux devraient de toutes manières prendre en charge, ce qui ne procurerait donc très peu d’économies d’argent, pour un dispositif favorable à la santé publique qui coûte un milliard d’euros, soit 0,5% des dépenses de l’assurance-maladie. Déjà, Agnès Pannier-Runacher, ministre macroniste « de gauche », a émis une discrète protestation.
Bonnet d’âne, donc, pour Antoine Armand, aussitôt mis au piquet. Et bon point pour Bruno Retailleau, qui déroule sans en être le programme de l’extrême-droite. Maîtresse Marine tient bien sa classe.