Battre Trump ? C’était tout simple…
La gauche radicale a trouvé le remède miracle à la montée de l’extrême-droite aux États-Unis : lui opposer une candidature d’extrême-gauche. Comme en France…
Pour conquérir la Maison-Blanche, sachez-le, il suffisait d’écouter la gauche radicale française : les électeurs américains dérivant vers la droite, il fallait évidemment aller beaucoup plus à gauche. Cette logique imparable est celle des stratèges en chambre qui expliquent après coup la défaite de Kamala Harris par sa tiédeur et sa modération. La vie politique américaine, dans cette vision d’une remarquable acuité, ressemble à un dessus de cheminée : il y avait un chien de faïence grimaçant à droite ; il suffisait, dans une magnifique symétrie, d’en placer un autre à gauche, et c’était dans la poche.
Le raisonnement de la « vraie gauche » se heurte à quelques détails gênants. Après tout, il y avait, en sus de la vice-présidente, une candidate nettement plus à gauche, dont les thèses se rapprochaient de celles des authentiques défenseurs de la « rupture » : Jill Stein, représentante du parti vert et, de surcroît, propalestinienne, femme par ailleurs respectable et expérimentée. Il fallait donc la soutenir, ou bien recommander à Kamala Harris de reprendre ses thèses, au moins en partie. Ainsi Trump aurait à coup sûr mordu la poussière : tout simple ! Avec un soupçon de réserve, toutefois : Jill Stein, pour qui Mélenchon a dit qu’il aurait voté s’il avait été américain, a obtenu en tout et pour tout… 0,4% des voix.
On dira que cette dame n’était pas dans le Parti démocrate et que le système américain écarte par définition les candidats indépendants. Mais alors que dire de Bernie Sanders, le sympathique représentant de la gauche du parti ? Dans le même scénario rétrospectif, lui aurait pu battre Trump, puisqu’il défendait les idées de la même « vraie gauche ». L’ennui, c’est qu’il a essayé. En 2020, il s’est présenté aux primaires du Parti démocrate, contre Biden. Il s’est retiré au bout de trois mois, les électeurs démocrates, soi-disant plus à gauche que leurs leaders, lui avaient octroyé deux fois moins de suffrages qu’au centriste Biden, qui a gagné l’élection.
Autrement dit, cette idée géniale – à la radicalité de droite, il faut opposer une radicalité de gauche – formulée pour plaider en faveur de l’extrême-gauche française, seule à même, croit-elle, de battre Marine Le Pen, traduit surtout deux choses : une méconnaissance totale de la vie politique américaine et la manie compulsive de prendre ses désirs de rupture pour des réalités électorales.