Bayrou-Macron, la mésentente cordiale
Mal synchronisées, les annonces de consultations des Français par le chef de l’État et le Premier ministre soulignent les failles de l’exécutif.
Que se passe-t-il au sommet de l’Etat ? Ne se parle-t-on pas ? Le Président commence par surprendre son monde en lançant une nouvelle convention citoyenne, sur « les temps de l’enfant », énième édition du débat sur les rythmes scolaires. Vingt-quatre heures plus tard, le Premier ministre suggère de faire adopter par référendum son plan destiné à réduire de 40 milliards le déficit budgétaire. Dès le lendemain, l’Élysée, fait savoir que le président proposera, dans une grande émission le 13 mai, ses propres idées de référendum. De quoi donner le tournis…
Consulter les citoyens n’est pas une mauvaise idée en soi. Mais les propositions en rafale, visiblement mal coordonnées entre Matignon et l’Élysée, ne sont pas de nature à rassurer les Français sur le sérieux de ces initiatives. Elles soulignent en effet trois phénomènes : l’impuissance, l’hubris, la mésentente.
Le prurit référendaire montre d’abord que l’exécutif est incapable de gouverner normalement. Privé de majorité, le tandem à la tête de l’État ne peut faire adopter aucun projet d’envergure par le Parlement, à commencer par la loi de Finances pour 2026, laquelle se heurte à un entrelacs de lignes rouges : pas de hausse d’impôts pour la droite, pas de coupes dans les dépenses pour la gauche. L’impasse. Pour contourner ce blocage, il est tentant de faire appel au peuple. Sauf que celui-ci risque de répondre non à toute question lui demandant des sacrifices, quels qu’ils soient. Exit la solution.
Il faut ensuite une confiance en soi frisant l’inconscience pour croire que l’opinion verra les choses autrement que ses représentants. Même sur les thèmes plus secondaires que le président pourrait soumettre au vote, l’accueil risque d’être mitigé à cause du rejet provoqué par l’émetteur. Emmanuel Macron se croit peut-être revenu en grâce à la faveur de l’actualité internationale, mais le rejet est pourtant toujours là, malgré un léger mieux. Quant à François Bayrou, il bat des records de discrédit. Pense-t-il que le souvenir du panache blanc d’Henri IV persuadera les électeurs de le suivre sur le chemin des économies ?
Enfin, cette poussée référendaire souligne la difficile cohabitation entre deux alliés. Si Bayrou a dû s’imposer à Macron, c’est parce que le second savait que le premier ne serait pas commode à gérer à Matignon. En accord global sur le fond, les deux hommes divergent sur la méthode. Le Béarnais veut prendre son temps, ne pas trancher dans le vif, survivre en louvoyant, jusqu’à proposer un référendum impraticable. L’hôte de l’Élysée est plus enclin à croiser le fer, incitant en vain son Premier ministre à charger sabre au clair pour procéder aux réformes et économies nécessaires. Bouillant d’agir, frustré par sa dissolution ratée, Emmanuel Macron veut revenir sur le terrain intérieur. Tant pis s’il marche sur les plates-bandes du trop prudent François Bayrou…
La vérité est que le couple exécutif est enlisé. La gravité de la situation française imposerait des mesures que même une majorité confortable hésiterait à endosser. Alors le duo à la tête de l’Etat est condamné à faire semblant d’agir. Avec le risque, en se débattant dans les sables mouvants, de se faire engloutir…