Bayrou ni de gauche ni de gauche
Hormis quelques personnalités subalternes, le Premier ministre est contraint de se replier sur un gouvernement dont le centre sera à droite. Il lui restera trois semaines pour obtenir la neutralité de la gauche.
Comment gouverner un pays dont le président de la République est arc-bouté sur son bilan, sourd au résultat des urnes qui lui réclament un changement de politique ; et une opposition devenue dominante, même relativement, qui refuse de se plier au diktat du président ? Voilà le blocage dans lequel la France se trouve embourbée depuis le 7 juillet.
Après la motion de censure qui a sanctionné Michel Barnier, on a cru que la gauche allait s’ouvrir. Les socialistes, les écologistes et les communistes se disaient prêts à négocier un « accord de non-censure », indispensable pour éviter l’élection présidentielle anticipée qu’ils redoutent. On comprend à présent que derrière ce discours, ils exigeaient en vérité un Premier ministre de gauche, Olivier Faure ou Bernard Cazeneuve, indispensable pour la recomposition politique à laquelle ils aspirent : exit LFI et Jean-Luc Mélenchon, vive la gauche modérée, quitte à l’élargir vers la partie la plus à gauche du bloc central.
En leur préférant l’un de ses proches, Emmanuel Macron a empêché ce scénario de se réaliser. François Bayrou est contraint de respecter la ligne du bloc central qui protège Emmanuel Macron : la gauche doit, elle aussi, remporter des victoires politiques. Avec son caractère indépendant et son profil pas si à droite que ça, on a cru que François Bayrou pourrait les leur accorder. Lors de la réunion de tous les partis politiques à Matignon, il a d’ailleurs proposé de « rediscuter » la réforme des retraites avec les partenaires sociaux mais avec le préalable de retourner à sa version de 2023 en cas d’échec des négociations.
Las, Cyrielle Chatelain et Marine Tondelier lui ont fermé la porte au nez et Olivier Faure ne l’a guère ouverte davantage, se disant « consterné par la pauvreté de ce qui nous a été proposé ». Le Premier Secrétaire du Parti Socialiste exige, lui, « la suspension » pure et simple de la retraite à 64 ans, et la convocation d’une Conférence sociale, excluant toute possibilité de retour en arrière après les neuf mois de négociations envisagées jusqu’en septembre. Il relance en outre l’idée d’un référendum sur les retraites dont il sait qu’Emmanuel Macron n’a aucune chance de l’accepter, avant de conclure que « le PS n’a pas trouvé de raison de ne pas censurer ».
Le bateau de François Bayrou ne comportera donc pas trois coques, comme le trimaran de ses rêves, mais seulement deux : celles du centre et de la droite. L’éventuelle présence de quelques personnalités telles l’ex-directeur de cabinet de DSK François Villeroy de Galhau ; l’ancien ministre de François Hollande François Rebsamen ; ou encore la membre de La Convention de Cazeneuve, Juliette Méadel, ne suffiront pas à masquer l’absence de la coque de gauche.
Pour autant, l’échec de François Bayrou à constituer le gouvernement idéal ne signifie pas qu’il ne durera pas. Il a jusqu’au 14 janvier, jour attendu de son discours de politique générale, pour tenter de trouver une solution. « Il y a une petite ouverture sur les retraites », a admis Olivier Faure. Puisque pour la gauche, les retraites sont la mère de toutes les batailles, il reste trois semaines à François Bayrou pour trouver la martingale.