Bétharram : le poison lent qui menace Bayrou

par Valérie Lecasble |  publié le 14/02/2025

Le budget à peine sauvé, le Premier ministre affronte la douteuse campagne lancée contre lui par Mediapart et LFI, dans laquelle s’engouffre le RN. Jusqu’à menacer son gouvernement ?

François Bayrou répond à un député écologiste sur la maltraitance à l'Institution notre-Dame de Bétharram, lors de la séance publique de questions au gouvernement, le 12 février 2025. (Photo Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP)

La petite musique s’installe… Sous les coups de boutoir répétés d’une alliance vicieuse entre Mediapart et LFI, les questions se font de plus en plus insistantes. Mardi, le député de La France Insoumise, Paul Vannier interpelle François Bayrou à l’Assemblée Nationale pour savoir s’il était au courant des violences et agressions sexuelles sur des jeunes, – dont des mineurs – dans le collège-lycée Notre-Dame de Bétharram, un établissement catholique proche de Pau, où ses enfants ont été scolarisés. « Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit, de violences, a fortiori sexuelles jamais », s’insurge le Premier ministre.

Il peine à convaincre. Le lendemain, les députés socialistes réclament que « toute la lumière soit faite ». Jeudi, le même Paul Vannier accuse François Bayrou de parjure, réclame sa démission et une enquête parlementaire. Interrogé sur France Info, le vice-président du RN Sébastien Chenu abonde : « François Bayrou ne semble pas très à l’aise. (…) J’espère qu’il n’a pas menti devant la représentation nationale (…) ce serait compliqué qu’il continue à dérouler avec la même sérénité son mandat, enfin en tous cas ses fonctions de Premier ministre ». Et d’ajouter que le RN « n’a pas encore arbitré » s’il votera ou non la motion de censure « spontanée » que les socialistes déposeront le 19 février contre la « trumpisation » du gouvernement Bayrou qui a évoqué la « submersion » migratoire en France. « Est-ce qu’on n’aurait pas envie de se saisir de leurs textes ridicules pour les ridiculiser et faire sauter le gouvernement », conclut Chenu.

On croit rêver ! Le RN envisagerait de voter une motion de censure pour sanctionner François Bayrou qui a pourtant suggéré qu’il y aurait trop d’immigrés en France ! Absurde, cette éventualité prouve en réalité que la campagne médiatique menée par Mediapart a affaibli le Premier Ministre. Tout juste a-t-il surmonté de multiples motions de censure contre son budget que le voici déstabilisé par la coalition des extrêmes, LFI et RN, à la recherche d’une présidentielle anticipée.

Quel forfait a donc commis François Bayrou pour être ainsi vilipendé ? Il n’est accusé d’aucun délit, ni détournement d’argent, ni corruption, il n’a rien d’un prévenu. On lui reproche juste de ne pas avoir dénoncé des faits d’agression dont il aurait été à l’époque informé. « Y aurais-je laissé mes enfants scolarisés si je l’avais su ? », rétorque François Bayrou qui porte plainte pour diffamation.

Cet épisode dérange. Alors que la France vient d’échapper à la pire crise politique de la Vème République, son Premier ministre a de nouveau la tête sur le billot. Pour quelle raison en réalité ? Les plaignants ont beau affirmer que leur seule intention est de faire condamner les coupables – dont l’un s’est suicidé –, et qu’il ne s’agit pas d’une affaire politique, la machine infernale est lancée : François Bayrou est acculé à se justifier. Notre-Dame de Bétharram, un collège-lycée privé où des jeunes ont été victimes d’exactions et où sa femme a enseigné le catéchisme, sont pour les extrêmes le symbole rêvé de l’ancien monde, et les ingrédients du scandale.

De là à ce que le RN saisisse l’occasion pour faire tomber le gouvernement, il y a un grand pas qu’il serait dangereux de franchir. Si le RN joignait ses voix à celles de la gauche, il prendrait le risque d’une double incompréhension : celle de l’opinion publique incrédule de voir tomber le gouvernement qui a enfin remis la France sur les rails ; celle de ses électeurs, sidérés de voir que le RN sanctionnerait la « submersion ». La menace que brandit Sébastien Chenu n’est guère crédible mais elle distille un lent poison dont personne ne peut être sûr qu’il ne se répandra pas.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique