Bobigny 1972 – Le procès historique

par Alfred de Montesquiou |  publié le 03/01/2025

Mon corps, mon choix : face à l’injustice de la loi des hommes, un groupe de femmes – avocates, militantes ou victimes – se dresse pour imposer le droit à l’avortement, et faire bouger la société.  

"Bobigny 1972", scénario de Marie Bardiaux-Vaïente, dessin de Carole Maurel, éditions Glénat

L’année qui s’ouvre va célébrer le cinquantenaire de la Loi Veil qui dépénalisa l’avortement en France. Mais se souvient-on du fracassant procès qui permit un choc des consciences et prépara le terrain pour la nouvelle loi ?  L’affaire d’une mineure, enceinte suite à un viol, qui se fait dénoncer par son agresseur pour avoir avorté. Marie-Claire Chevalier se retrouve face au tribunal pour enfants de Bobigny, risquant une peine de prison avec sa mère et plusieurs complices. Son destin croise alors celui de l’avocate et militante féministe Gisèle Halimi, qui décide de s’emparer de l’affaire pour susciter un scandale national, véritable électrochoc médiatique et sociétal qui devient l’affaire de « Bobigny 1972 ». 

Le grand mérite de ce récit graphique, signé par l’historienne Marie Bardiaux-Vaïente, est de resituer le procès dans sa dimension sociale, pour souligner l’hypocrisie de la France des années 1970. Un pays où, selon la formule de Simone de Beauvoir dans le célèbre « Manifeste des 343 », près d’un million de femmes se font avorter chaque année. Mais où la police et la justice choisissent de n’en poursuivre qu’une poignée – les plus pauvres, les plus précaires – pour maintenir en vigueur une politique anti-abortive. 

C’est contre ce système que s’érige Gisèle Halimi, transformant le procès de Marie-Claire en procès de l’institution, convoquant à la barre des stars du showbiz ou de l’intelligentsia pour attaquer sans relâche l’injustice sociale et l’oppression patriarcale. Très finement dessiné par Carole Maurel, le récit souligne les débats féroces de la Cour, où chacun devine que se joue un bras de fer entre la pratique du droit et la véritable Justice. La seconde prévaudra, avec la relaxe des prévenues, provoquant une nouvelle jurisprudence et une lame de fond dans la société française.     

Bobigny 1972, scénario de Marie Bardiaux-Vaïente, dessin de Carole Maurel, éditions Glénat, 192 pages, 25€.   

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Alfred de Montesquiou