Borne again

par Boris Enet |  publié le 23/12/2024

Surprise béarnaise. Exit Madame Genetet qui n’aura eu le temps de ne rien impulser, quand bien même en aurait-elle eu le temps et le talent. Le retour d’une ancienne Première ministre à la tête de Grenelle marque-t-elle enfin une ambition pour l’école ?

Élisabeth Borne et Gérald Darmanin à l'Assemblée Nationale, le 16 décembre 2024 (Photo de GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Après trois passages éclair – à la tête d’un ministère en jachère – en moins d’un an, la nomination de madame Borne marque incontestablement un tournant. Elle permet une médiatisation nouvelle autant qu’une ambition pour une personnalité dont le poids politique comme les compétences techniques sont reconnues à large échelle. Indépendamment des choix qui seront actés, c’est une nouvelle rassurante par rapport à la situation antérieure. 

On peut légitimement penser que l’ancien agrégé de lettres tenait sincèrement à réserver ce ministère à une personnalité de premier plan. On sait sa préoccupation majeure et républicaine pour l’éducation, sans présager de l’avenir. Le regroupement de l’éducation, du ministère de l’enseignement supérieur, du numérique et de la recherche, comme l’ordre protocolaire ramènent donc l’école au premier plan.

Il est vrai que le nouveau locataire de Matignon, ancien ministre de l’éducation dans le gouvernement Balladur de 1993 n’avait pas laissé un souvenir impérissable à la tête du ministère. Marqué par sa cogestion de l’époque avec le syndicat majoritaire du second degré, le Snes, et un caractère diplomatique à toute épreuve, il avait permis une cohabitation feutrée, à son image. Depuis, trois décennies ont passé et la situation est autrement plus dégradée. Elle n’exigera pas de barrer par mer calme, mais du courage et un cap : crise de recrutement professoral, poids de la bureaucratie administrative, crise de l’inclusion, affaissement de la santé mentale des jeunes et baisse quasi continue du niveau scolaire sont autant de défis pour la nouvelle nominée. 

Le caractère déterminé d’Élisabeth Borne sera probablement un atout, à la condition qu’elle sache consulter et s’entourer dans un ministère dont chacun reconnaît qu’il est miné, parce qu’à la manière de la sélection nationale de football, il y a autant de sélectionneurs que de ministres dans le pays de Ferry, Zay, Savary. 

Dans la situation de crise budgétaire qui pèse sur les finances publiques, personne ne réclamera à Élisabeth Borne de tout résoudre, tout enclencher, tout solutionner. En revanche, on ne lui pardonnerait pas de fixer une ou deux priorités avec obligation de résultats, si le temps ne lui est compté. 

Pourquoi ne pas poursuivre dans la continuité du dédoublement des classes de primaires pour l’apprentissage de la lecture et des savoirs fondamentaux ? Les seuls domaines ou le pays résiste en matière d’éducation dans les classements internationaux et européens. Pourquoi ne pas envisager enfin une revalorisation des métiers de l’éducation en acceptant une redéfinition du statut obsolète de la fonction publique, datant des lendemains de la seconde guerre mondiale ? La discussion peut en être facilitée avec l’évincement de Kasbarian, ayant réuni l’unanimité contre lui. 

D’aucuns prétendront que le choix est risqué. Sans doute. Mais l’éducation n’est plus en mesure d’attendre. Les urgences se bousculent. Si la nomination de madame Borne part d’un a priori favorable, comparativement à la situation antérieure, elle ne bénéficiera d’aucun état de grâce. 

Boris Enet