Budget 2026 : la potion amère

par Valérie Lecasble |  publié le 14/04/2025

Il faudra trouver 40 milliards d’euros pour boucler le budget 2026 dont le déficit sera contenu à 4,6% du PIB, annonce Eric Lombard qui déclare l’urgence budgétaire à quelques jours de la conférence sur les finances publiques de la France.

Le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Eric Lombard, s'adresse à la presse avant la première réunion du Conseil des entreprises, à Bercy, le 14 avril 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)

Ils se sont mis à trois pour préparer la conférence de tous les dangers, celle que tiendra mardi 15 avril François Bayrou sur les finances publiques de la France. Il y aura là les ministres, les parlementaires, les organismes de sécurité sociale et les collectivités locales. Tous entendront le Premier ministre déplorer les mauvaises habitudes des Français et expliquer comment il compte y remédier.

Avant cela, Amélie de Montchalin, ministre du Budget, Sophie Primas, porte-parole du gouvernement et Eric Lombard, ministre de l’Économie et des Finances, ont uni leurs voix dimanche 13 avril sur les ondes pour préparer les esprits aux mauvaises nouvelles : après les 50 milliards déjà trouvés pour limiter en 2025 le déficit budgétaire à 5,6% du PIB, il faudra dégager encore 40 milliards pour le contenir à 4,6 % en 2026. Ceci, pour une « trajectoire budgétaire » conforme aux règles européennes, qui vise un déficit de 3% en … 2029. Cet engagement figurera dans la copie que transmettra la France à Bruxelles à l’issue du conseil des ministres du mercredi 16 avril.

Qu’on se le dise : il n’y aura cette fois-ci plus moyen d’y déroger. Le « quoiqu’il en coûte » est bien mort, voici le « quoiqu’il arrive » ! En clair, la France ne peut plus reculer. Sa dette de 3 300 milliards d’euros est l’une des plus élevée d’Europe et elle consacrera 70 milliards à son remboursement en 2025, soit davantage que le budget de la Défense. S’il ne veut pas aller à la ruine, le pays doit faire des économies. À ce titre, l’attaque récente contre la dette américaine sonne comme un avertissement.

Comment faire dans un contexte intérieur difficile, et quand la menace russe oblige les pays d’Europe à se réarmer ? Une seule solution, disent les ministres : réduire les dépenses publiques qui atteignent aujourd’hui 57 % du PIB, un niveau record, insoutenable dans la durée. Le reste pourrait provenir de la croissance mais elle a déjà été révisée à la baisse, de 0,9 à 0,7% en 2025, en raison de l’effet des droits de douane américains. Quant aux impôts, le bloc central mené par Emmanuel Macron, a obtenu qu’on ne les augmente pas, en tous cas pour les classes moyennes et populaires.

Instaurée en 2025, la contribution exceptionnelle des ménages les plus-aisés se changera dès 2026 en un mécanisme pérenne. Il permettra de lutter contre la suroptimisation fiscale qui autorise les plus riches à payer moins que le contribuable moyen en nichant leurs revenus dans des holdings familiales. Il rapportera 2 milliards d’euros… et contribuera à la solidarité dans l’effort.

Indispensable, cette quote-part des ménages les plus riches ne suffira pas. Reste le levier de la réduction des dépenses, équitablement répartie entre l’Etat, les collectivités territoriales et la Sécurité Sociale. C’est là qu’intervient l’exercice de pédagogie auquel se livrera François Bayrou assisté de ses ministres lors de la fameuse conférence sur les finances publiques de la France.

Le consensus recherché est-il atteignable ? Eric Lombard pointe à la moindre occasion le rôle crucial des partenaires sociaux actuellement réunis en conclave. Le ministre de l’Économie cite le Medef et la CFDT, les deux interlocuteurs de poids capables de porter la mission de remise à niveau des finances de la France. A peine évoque-t-il ensuite la nécessité d’un vote au Parlement… où il sait que l’attend un débat où les considérations politiques prendront le pas sur les équilibres économiques.

La revue des dépenses publiques, déjà entamée par Amélie de Montchalin a donc de beaux jours devant elle. La France sera-t-elle assez responsable pour résoudre l’impossible équation ? Décisive, la bataille ne fait que commencer.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique