Budget : le choc des arrière-pensées

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 23/10/2025

La commission des Finances de l’Assemblée nationale a rejeté la partie recettes de la loi de finances. Chacun a de bonnes – ou moins bonnes – raisons de ne pas jouer le compromis. Au point que certains socialistes commencent à regretter le 49-3…

La Commission des Finances avant l'ouverture de la séance consacrée à l'examen du projet de loi de finances pour 2026, à l'Assemblée nationale, le 20 octobre 2025. Devant l'écran, au centre : Éric Coquerel, président de la Commission des Finances, de l'Économie générale et du Contrôle budgétaire, et Philippe Juvin, rapporteur général de la commission. (Photo JULIEN DE ROSA / AFP)

La trêve ne pouvait pas durer. Grâce à la suspension de la réforme des retraites, Sébastien Lecornu a échappé à la censure. Mais depuis cet période de temps lui aussi « suspendu », chaque composante de l’hémicycle a repris ses réflexes, dans un billard à plusieurs bandes, obscur pour les citoyens mais qui mène clairement au blocage.

Les forces en présence ne bougent pas de leur doxa initiale. Les socialistes ont proposé la taxe Zucman et diverses augmentations de l’imposition des plus riches, soutenus par le reste de la gauche. Les Républicains, rapporteur général en tête (Philippe Juvin), ont refusé toute hausse d’impôt. Les macronistes ont fait des gestes jugés insuffisants par le PS. Le RN a conforté le centre et la droite dans leur refus d’augmenter les taxes, après avoir présenté une version de l’ISF rejetée par tous les autres.

Bilan, la discussion en séance plénière, reprise à zéro, démarre vendredi sur un mauvais pied. Si elle débouche aussi sur un rejet, le projet de loi de Finances partira directement au Sénat, sans que la partie dépenses ait été abordée. Peut-être des négociations discrètes entre le gouvernement et les socialistes déboucheront-elles sur un compromis. Encore faut-il que les protagonistes jouent le jeu.

Or tous ont un agenda caché. LFI ne rêve que de catastrophes pour accélérer le calendrier institutionnel et pousse donc les socialistes à l’intransigeance. Le PS se sent obligé de hausser le ton pour ne pas passer pour « social-traître ». Après avoir avalé la pénible suspension des retraites, les macronistes ne veulent pas se coucher complètement. En proie à une compétition interne entre Retailleau et Wauquiez, les Républicains s’arc-boutent sur le seul mot d’ordre qui réunit leur famille déchirée : sus à l’impôt ! Et le RN, tout à sa nouvelle politique de séduction des milieux économiques, ne veut pas se faire complice d’une « boucherie fiscale ».

Si cela continue, il est possible que la loi de finances ne soit pas votée. Une solution existe, qui ne réjouit pas les socialistes : le recours aux ordonnances, prévues par l’article 47 de la Constitution : « Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de 70 jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance ».

Quelles dispositions ? Celles du projet de loi initial, ou celles du dernier texte voté, probablement une version remaniée par le Sénat ? Les constitutionnalistes sont partagés. Mais dans les deux cas, ce serait un texte qui ne conviendrait pas à la gauche. D’où l’idée paradoxale d’un retour du 49-3 qu’accepterait la gauche, après l’avoir vilipendé.

Le PS pourrait négocier un Budget de compromis avec le gouvernement, qui le soumettrait alors à l’Assemblée nationale, assorti du 49-3 et de l’engagement du PS à ne pas voter la censure. Du sur mesure… Patrick Kanner, patron des socialistes du Sénat, n’écarte plus cette solution de fortune, si l’on peut dire. Cela permettrait de doter la France d’un Budget en passant outre les réticences des députés. Retour aux bonnes vieilles méthodes. Adieu au rêve d’un parlementarisme retrouvé…

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse