Budget : négociez !

par Laurent Joffrin |  publié le 16/07/2025

Aussi critiquable soit-il, le plan Bayrou tente de répondre à la situation objective du pays. Plutôt qu’un rejet a priori, il appelle une discussion responsable et précise. Faute de quoi, le pays subira une nouvelle crise politique, dont il n’a pas besoin.

portrait de Laurent JOFFRIN (Photo Philippe-Matsas, 2020)

Il y a deux manières de réagir au plan d’économies présenté avec une conviction profonde par le Premier ministre. L’une est irresponsable : c’est celle qu’ont choisie – étrange hasard… – le Rassemblement national et la France insoumise, à savoir le rejet immédiat et mécanique de tout effort d’économie. Réaction pavlovienne qui cache un calcul politique : les deux partis extrêmes jouent la crise, espérant tirer parti d’une nouvelle séquence de chaos national.

L’autre est sérieuse et mérite qu’on s’y arrête. C’est celle des socialistes – si l’on a bien compris – qui jugent le projet inacceptable en l’état, ce qui signifie en bon français qu’il pourrait être amendé pour passer à l’automne par la simple abstention du PS au cours d’un vote de censure.

Car les philippiques automatiques du RN et de LFI ne changeront rien à une réalité têtue : la France est trop endettée, elle doit réduire ses déficits, faute de quoi elle risque de perdre sa souveraineté financière sous la férule des marchés. Le refus du réel n’est pas une politique.

D’autant plus que certaines des économies proposées par François Bayrou s’imposent d’elles-mêmes : la rationalisation des dépenses de santé, le freinage nécessaire des dépenses publiques, la lutte contre les fraudes, l’examen serré des aides aux entreprises, la remise en ordre des agences de l’État et bien d’autres choses. À moins qu’on refuse de voir en face une contradiction majeure du modèle français : des dépenses record accompagnées d’un recul continu de la confiance dans les services publics. Dans cet oxymore socio-économique, il y a bien un loup qui se cache, à savoir le mauvais emploi de l’argent que les citoyens consacrent au fonctionnement de l’État.

Aussi bien, le simple recours à une plus forte imposition des hauts revenus et des patrimoines, mesure évidemment nécessaire, ne suffira pas à rééquilibrer les comptes de la nation. L’effort doit être plus largement réparti, c’est le prix à payer pour quelque cinquante années pendant lesquelles, sous la pression de la société, la puissance publique a dépensé nettement plus qu’elle ne recevait.

Encore faut-il que cet effort soit équitablement exigé. Tel est l’objet de la négociation qui doit maintenant s’ouvrir. Certaines mesures peuvent être modifiées à la suite d’une discussion sérieuse au Parlement et, surtout, la contribution des classes les plus riches à l’effort commun doit être fixée avec courage et ambition. Dès lors que tous les Français sont appelés à des sacrifices importants, pourquoi les classes dirigeantes échapperaient-elles peu ou prou au sort commun ? Le rétablissement progressif de l’équilibre budgétaire est une tâche civique et nationale. Personne ne comprendrait que les plus favorisés en soient exemptés.

Laurent Joffrin