C8 : les mensonges de la droite
La droite veut faire croire que la fermeture de la chaîne du groupe Bolloré est une atteinte à la liberté d’expression alors qu’elle n’est en réalité que la sanction de douze années de dérives incessantes.
Cela n’a pas manqué. A peine le Conseil d’Etat a-t-il confirmé la décision prise par l’Arcom d’arrêter la chaîne de télévision C8 dès le 28 février que la droite a lancé la polémique. Laurent Wauquiez le premier s’est indigné qu’une autorité administrative telle l’Arcom « se moque de la volonté des Français en fermant une chaîne populaire ». L’extrême-droite, les racistes, les islamophobes ont joint leurs voix pour dénoncer une atteinte à la liberté d’expression osant même comparer C8 à Charlie Hebdo. Sarah Knafo, la compagne d’Éric Zemmour a appelé à « arrêter de financer les chaînes de gauche », comme si toute chaîne du service public devait être forcément de gauche.
Dans un « message personnel », le directeur général de Canal + argue que C8 est devenue la cinquième chaîne derrière TF1, France 2, France 3 et M6, et numéro une en audience des nouvelles chaînes de la TNT. Et de conclure, « cette décision isole encore davantage ceux qui avaient trouvé en C8 un moyen de se rapprocher du tissu culturel commun ».
De quoi parle-t-il ? En douze ans, C8 (ex-D8) a fait l’objet de la part de l’Arcom, de 18 mises en garde, 8 mises en demeure et 12 sanctions pécuniaires pour 7,6 millions d’euros, soit plus du double de celles subies par CNews, la chaîne d’information du même groupe Bolloré, et infiniment plus que celles de toutes les autres chaînes de télévision réunies qui veillent scrupuleusement à les éviter.
L’objet de ces sanctions ? Fausse information, publicité clandestine, dénigrement d’un candidat et implication dans une négociation politique, présentation de personnes handicapées comme des toxicomanes, déstabilisation lors d’une interview de Loana « en profonde détresse », baiser forcé et attouchements envers une chroniqueuse, insulte contre la fille de Johnny et Laeticia Holliday, diffusion d’une théorie du complot sur l’adrénochrome, invitation de faux policiers de la BRAV-M, non dissimulation de marque sur les vêtements, insulte envers Anne Hidalgo et Louis Boyard, propos controversé sur l’affaire Lola, vidéo violente, insultes, photos dénudées de Karine Ferri, baiser de force d’un chroniqueur sur la poitrine d’une invitée, main d’une chroniqueuse non consentante sur le sexe de Cyril Hanouna… Le même Hanouna, qui s’était une nouvelle fois illustré la veille du couperet du Conseil d’Etat en lançant un « vous me gonflez » à sa propre chroniqueuse Géraldine Maillet, ajoutant élégamment : « personne ne vous connaît » parce qu’elle avait osé un avis contraire au sien.
Ce serait donc « le tissu culturel commun » : passer ses soirées à assister à des insultes proférées à tour de bras à la télévision, devant des images falsifiées et violentes, de dénigrer, et de rabaisser les faibles comme les handicapés ou une personne fragilisée comme Loana, et de forcer les femmes à des baisers et des attouchements ?`
Pas une seule des sanctions prises par l’Arcom ne concernait une prise de position politique et, si l’on n’est pas d’accord avec Anne Hidalgo et Louis Boyard, ce n’est pas une raison pour les insulter. Quant au Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, il avait pris soin de confier l’affaire à la section du contentieux où une formation de quinze juges s’est penchée sur les 1 800 pages de documents fournis par C8 avant de prononcer son arrêt.
Il est bien loin le temps, il y a vingt ans, où Vincent Bolloré tout fier d’avoir gagné une fréquence sur la TNT, faisait visiter les locaux de sa chaîne, en présentant à ses invités ses jeunes et jolies présentatrices. Il en connaissait alors les conditions : l’Etat lui délivrait une fréquence de la TNT en échange du respect d’un certain nombre de règles comme l’honnêteté et le pluralisme des idées. Nul ne l’avait alors contraint à candidater : aux Etats-Unis, la plupart des chaînes, dont Fox News, ne dépendent pas des fréquences publiques.
Est-il enfin besoin de préciser que l’Arcom qui l’envisageait pourtant, a renoncé malgré une bonne douzaine de sanctions à son encontre, à réclamer l’interdiction de CNews. S’il le fallait, ce maintien de l’autorisation d’émettre de la chaîne d’information cannibalisée par la droite, prouve à lui seul que sa décision n’est en rien une entrave à la liberté d’information.