Cachez ces « rythmes scolaires » que je ne saurais voir
L’annonce, par le chef de l’État, d’une convention citoyenne sur les « temps de l’enfant » démontre l’état de sclérose démocratique, sociale et politique de tout un système en mal d’expertise.
Certains mots ne doivent être prononcés. Il en va ainsi des « rythmes scolaires ». Nous parlerons alors de « temps de l’enfant ». Une fois les mots choisis, les acteurs jouent leur partition.
Emmanuel Macron se pose en modernisateur républicain, chantre du mouvement contre les conservatismes. Le SNES, première composante syndicale du second degré, par la voix de Sophie Vénétitay, campe les slogans de la fin des années 1990, anticipant ceux de 2040 : « exécutoire collectif sur l’école », redoutant un « prof-bashing ». Au milieu, les spectateurs assistent à la levée de rideau, tandis que la convention organisée sous l’égide du Conseil Économique Social et Environnemental n’a toujours pas sonné les trois coups.
Passées les postures, le sujet est légitime, d’autant que l’Éducation nationale peine à remplir ses missions. En termes de niveau et de mal être des principaux intéressés, sans même évoquer sa gestion, pour le sixième employeur civil au monde, au bord de la maltraitance institutionnelle. C’est ici une première critique : on ne peut s’attaquer efficacement à la refonte impérieuse des temps scolaires et de la durée des vacances, sans interroger la gouvernance d’un système défaillant. Agir sur le temps de l’enfant de 3 ans à sa majorité, c’est non seulement associer le périscolaire, l’industrie touristique, mais aussi l’éducation populaire, la question de la parentalité avec l’implosion de la famille traditionnelle et les mutations géographiques, les loisirs culturels et sportifs, la transition climatique. Ce vaste champ ne peut s’ouvrir sans confiance.
Depuis trop longtemps, les enseignants se sentent méprisés ou attaqués – au choix – et sous rémunérés – toujours. Ces rythmes scolaires désormais inadaptés ne bougeront pas avec un tel niveau de découragement et de démobilisation dans le milieu enseignant. Cela ne signifie nullement ne rien faire, mais pour faire, il faut être en capacité de proposer des deals dont l’objectif est le bien-être des enfants et l’avenir de la nation.
Les dernières modifications du rythme scolaire, sous mandat Hollande et ministère Peillon, laissaient une fois encore les écoles privées sous contrat hors du cadre, soit un enfant sur cinq, parfois près de la moitié, comme en Bretagne. La ségrégation scolaire et sociale n’a que trop duré et le régime d’exception doit prendre fin.
Et puis, la démocratie n’est pas un jeu. Les conventions citoyennes sont à la mode, c’est entendu. Mais que ce soit sur la fin de vie ou le climat, les dernières conventions réunies n’ont guère été suivies d’effet. Faire croire à un panel de quelques 200 citoyens tirés au sort que leurs conclusions sont déterminantes pour, au final, s’assoir dessus, ne résoudra nullement la crise démocratique.
Les comparaisons de rythmes ont déjà été traitées dans nos colonnes à de multiples reprises. Oui, les enfants allemands finissent leurs journées plus tôt et c’est souhaitable pour quiconque a déjà mis le pied dans une salle de cours au-delà de 16h. Ce que l’on oublie de dire, c’est que la République fédérale, confrontée à des résultats Pisa décevants, a rallongé récemment sa journée de cours. Et la Finlande, souvent citée en exemple pour l’excellence de son système scolaire, bénéficie de 10 semaines de vacances l’été…
Autrement dit, la réussite réside davantage dans une pédagogie innovante et des effectifs par classe inférieurs à 15 élèves, alors que ceux de la France sont parmi les plus élevés, en compagnie de l’Europe du Sud. Comparaison n’est pas raison entre la seconde puissance démographique de l’Union et un pays scandinave dont la crise sociale, scolaire et la fragmentation géographique ne sont absolument pas de même nature.
Quand bien même irions-nous jusqu’au 14 juillet à garder les enfants en cours, l’absurdité actuelle de la nouvelle grande muette aboutit à des garderies commençant dès le mois de mai, avec des cours perturbés, des absences professorales répétées et un calendrier administratif stoppant de fait les évaluations entre fin mai et tout début juin. Un secret de Polichinelle. Et puis, qui accepterait de faire cours et d’y assister au sud de Valence avec des températures supérieures à 30 degrés sans climatisation ?
Alors, ouvrons le débat, proposons, œuvrons pour les enfants mais, de grâce, cessons les postures.