Castets est-elle nulle ?
Soyons francs : les réponses apportées à la question de l’immigration par la Première ministre virtuelle du NFP laissent rêveur l’auditeur le mieux disposé.
L’échange mérite d’être cité mot à mot. Sur BFM, Lucie Castets répond à trois journalistes sur ses positions programmatiques, elle qui revendique toujours, au nom du Nouveau Front Populaire, le poste de Première ministre. Le débat vient sur la question de l’immigration.
Mathieu Croissandeau – Vous êtes donc pour la régularisation de tous les sans-papiers ?
Lucie Castets – Tous les sans-papiers, oui.
Benjamin Duhamel (étonné) – Tous les sans-papiers ?
Lucie Castets – Ah, il faut que je regarde davantage, mais plutôt favorable à ça, oui.
Benjamin Duhamel – C’est-à-dire ? Tous les sans-papiers, ou seulement ceux qui travaillent ?
Lucie Castets – Tous les sans-papiers.
Benjamin Duhamel – Même ceux qui ne travaillent pas ?
Lucie Castets – Oui.
(…)
Étienne Gernelle – Vous parlez aussi au nom du PS ?
Lucie Castets – Non, en mon nom propre. Mais la prochaine fois que je viens, on en reparle pour que je confirme cette position.
Première remarque : ce discours est plus sympathique, plus humaniste, bien sûr, que celui qu’on entend habituellement à droite et à l’extrême-droite et qui repose sur le postulat inverse : aucune régularisation, sauf rares exceptions, ce qui maintient dans un statut précaire de dizaines de milliers de travailleurs, souvent présents en France depuis de longues années et qui occupent des emplois fort utiles.
Mais là où le bât blesse, c’est que cette proposition, réitérée plusieurs fois au cours de l’entretien, ne correspond à rien, sinon à une intention abstraite et hors-sol. Lucie Castets s’exprime au départ au nom du Nouveau Front Populaire, qui réclame son entrée à Matignon. Pas de chance : nulle part il n’est indiqué dans le programme de la coalition de gauche qu’il faut régulariser « tous les sans-papiers ».
Pour être précis, au milieu d’un chapitre très libéral sur la question, principalement dédié à l’amélioration de l’accueil des migrants, on lit la proposition suivante : « Faciliter l’accès aux visas, régulariser les travailleurs, étudiants, parents d’enfants scolarisés et instituer la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence ». Et non, à l’inverse de ce que dit la Première ministre putative « régulariser tous les sans-papiers, qu’ils travaillent ou non ».
Et pour cause : aucun parti, aucun pays, n’est prêt à accorder des titres de séjour à tous ceux qui sont entrés irrégulièrement sur le sol national. Tous, sans exception, prévoient des critères d’accueil plus ou moins larges, qui distinguent les différents immigrés arrivés chez eux. Pour une raison évidente : non seulement la mesure est notoirement impopulaire, mais surtout, elle risque d’entraîner un afflux massif et suppose des capacités d’accueil pour ainsi dire illimitées, qui n’existent pas en pratique.
À l’exception – marginale – des associations « no border », les ONG du secteur l’admettent toutes, explicitement ou implicitement. Olivier Faure, interrogé sur la question, a d’ailleurs déclaré sans ambages qu’il n’était « pas d’accord » avec la Première ministre qu’il soutient. La gauche, rappelons-le, défend traditionnellement l’idée d’une régularisation sur critères, plus ou moins étroits et contraignants. Et il n’existe nulle part, dans les conventions internationales, pourtant très ouvertes, de « droit à l’installation » dans un pays étranger.
Autrement dit Lucie Castets, non seulement n’a pas bien lu le programme de la coalition qu’elle est censée représenter, mais ignore de toute évidence le fond du dossier. Manque de culture ? Certainement pas : la jeune femme est ancienne élève de Sciences Po, de la London School of Economics et de l’École nationale d’administration. Plutôt une grande légèreté dans l’expression et une passion militante qui lui fait ignorer les réalités élémentaires de certains dossiers. Ce qu’elle reconnaît par la bande. Sur cette question récurrente dans le débat public et fort sensible à l’opinion, elle élude en disant : « Il faut que je regarde davantage (…) on en reparle ». Lunaire ignorance, un peu fâcheuse pour qui prétend diriger le pays.
Et pourtant le Nouveau Front Populaire, contre vents et marées, continue de la mettre en avant pour accéder un jour à l’Hôtel Matignon. Drôle d’idée, tout de même…