Ce que Trump va coûter à l’économie

par Gilles Bridier |  publié le 08/04/2025

La fièvre des places boursières n’a pas encore affecté l’économie réelle. Mais les conditions d’une poussée de l’inflation se mettent en place, avec son cortège de difficultés : les États-Unis seront les premiers touchés, nous ensuite.

Un vélo électrique de fabrication chinoise est en vente dans un magasin de Washington, le 8 avril 2025. La Chine a promis mardi de « se battre jusqu'au bout » alors que les nouveaux tarifs douaniers de Trump sur la Chine atteindront 104 % mercredi. (Photo de Roberto SCHMIDT / AFP)

Le yoyo est un sport auquel les places boursières s’adonnent volontiers. Lorsqu’un début de panique s’empare de l’une d’elles, elle contamine les autres. Les décrochages sont d’autant plus violents que les mouvements sont déclenchés par des algorithmes qui réagissent en une fraction de seconde et créent un effet boule de neige.

Déroutés par l’arithmétique trumpienne des droits de douane, les ordinateurs ont – en toute logique – appliqué les mesures de sauvegarde programmées face à des hausses irrationnelles des taxes, à commencer par les 25% sur les importations américaines d’automobiles et de 34% sur tous les produis chinois entrant aux États-Unis (en plus des 20% déjà appliqués). Quand la Chine a répliqué par des mesures de rétorsion en fin de semaine dernière, l’administration américaine a surenchéri en la menaçant d’une taxe supplémentaire de 50% qui gèlerait tous les échanges. Alors, les voyants ont passés au rouge et les algorithmes se sont affolés. Jamais une intelligence artificielle n’aurait imaginé tel scénario !

Ce fut un lundi noir sur les marchés. Mais il aura suffi que le Japon fasse retomber la tension en acceptant des concessions imposées par Washington, pour que les places boursières mondiales s’accordent, l’une après l’autre, une pause dès mardi matin. Les opérateurs boursiers face à leurs écrans avaient été pris de vertige face à la perspective d’un krach, ils ont pu reprendre leur souffle. Pas pour longtemps…

Le répit n’aura duré qu’une journée ! L’administration Trump ayant annoncé mardi soir qu’elle mettrait sa menace à exécution sur les produits chinois, le taux faramineux de 104% va s’appliquer dès aujourd’hui mercredi. La réplique de Pékin ne tardera pas. Les indices boursiers vont reprendre leur chute… jusqu’au krach planétaire?

Jusqu’à présent, l’économie réelle n’a pas été impactée par ces jeux spéculatifs. Mais ce n’est que partie remise. Après la séquence d’intimidation, le bras de fer sino-américain n’est déjà plus dans sa phase d’observation. Entre Washington et Pékin, la confrontation est entrée dans sa phase active. L’Union européenne s’est engagée dans une partie de billard à plusieurs bandes pour contourner les attaques de l’adversaire. Et le Canada tourne le dos au grand frère qui veut lui imposer sa loi. Autrement dit, après la débauche d’adrénaline qui s’est déversée sur les marchés financiers, la déclaration de guerre de Donald Trump au monde entier va maintenant produire ses effets dans l’économie réelle, progressivement, irréversiblement, en commençant par l’inflation… qui va frapper en premier lieu l’économie américaine.

Les oukases trumpiens destinés à réduire le déficit commercial des États-Unis n’auront pas d’effet immédiat, sinon négatif. Même dans le scénario de la Maison-Blanche, il faudra plusieurs années avant que de nouvelles usines soient construites et des personnels formés. Pendant ce temps, les produits importés subiront des taxes exorbitantes. Les consommateurs américains vont souffrir, encore plus que les Européens. Imagine-t-on Apple, Tesla et tous les industriels américains qui ont investi en Chine pour profiter de coûts avantageux, rapatrier leurs productions en un claquement de doigts ? Et s’ils le font, à quels prix pour leurs clients? Et avec quelle rentabilité pour les actionnaires, à commencer par les fonds de pension américains qui financent les retraites outre-Atlantique ?

L’inquiétude se répand dans toutes les catégories d’actionnaires outre-Atlantique, les ménages comme les investisseurs, les salariés comme les retraités. Que valent les promesses du camp Trump? La confiance vacille, aux États-Unis mais aussi à l’extérieur chez leurs anciens partenaires commerciaux. Notamment l’Union européenne qui va devoir encaisser la réduction des débouchés outre-Atlantique et réorienter ses échanges. Le doute va continuer à s’instiller sur les marchés financiers, déboussolés et devenus des victimes de leur champion d’hier. Alors, l’économie réelle sera touchée.

Gilles Bridier