Ces réformes sociétales que le pape a refusées
Réformateur, François ? Sur l’adaptation de l’Église aux mœurs actuelles, il a davantage communiqué que réalisé.
On se rappellera l’ouverture de François aux réprouvés de l’Église, homosexuels comme hommes divorcés. On notera ses quelques nominations de femmes à des postes de responsabilité au sein de la machine vaticanesque. On approuvera ses initiatives pour lutter contre les abus sexuels du clergé. Mais on omet de souligner à quel point ces « avancées » ont été limitées, qu’elles se soient heurtées à des oppositions internes ou qu’elles n’aient pas bénéficié de la volonté de fer du souverain pontife.
Passe encore que le dogme du respect absolu de la vie ait conduit le pape à condamner en termes violents « la loi criminelle sur l’avortement » et à qualifier les médecins le pratiquant de « tueurs à gage ». On comprendra aussi son hostilité à toute forme d’aide à mourir ou de suicide assisté. Encore qu’un pape véritablement soucieux de la souffrance de ses prochains aurait pu montrer un peu plus de miséricorde envers les maux de celles et ceux qui recourent à l’IVG ou l’euthanasie. Mais il est resté dans la ligne orthodoxe, si l’on peut dire, de ses prédécesseurs, respectueux du commandement « Tu ne tueras point ».
En revanche, on cherche en vain dans les écritures saintes ce qui empêcherait une femme d’être ordonnée prêtre. Chez les cousins en chrétienté, les protestants, il existe de nombreuses femmes qui occupent la fonction de pasteur. En France, 40% d’entre eux sont des femmes. Et elles sont majoritaires en Allemagne et en Suède. Chez les juifs, on trouve aussi des rabbines, même si elles sont encore minoritaires. Alors pourquoi pas chez les catholiques ? Le pape François s’est contenté d’évoquer une première étape dans cette direction, suggérant de leur ouvrir le diaconat. Et puis rien… Paroles, paroles.
Côté masculin, qu’attend-on pour permettre le mariage des prêtres ? Saint Pierre, premier évêque de Rome, avait une épouse. Rien de restrictif dans la Bible sur ce point. L’interdiction remonte au concile d’Elvire, vers l’an 305, mal appliquée pendant des siècles, puis confirmée par le deuxième concile de Latran (1139). On soupçonne l’Église d’avoir édicté cette règle pour des raisons bassement matérielles : pour conserver les héritages territoriaux de ses serviteurs, il ne fallait pas d’enfants, donc pas d’épouses. A l’heure de la crise des vocations, l’argument est-il encore tenable ? Le pape François s’est contenté d’ouvrir la porte du sacerdoce à des hommes mûrs déjà mariés…
Quant au geste envers les homosexuels, auxquels François a permis de recevoir une bénédiction avec une belle formule « Qui suis-je pour juger ? », il s’est heurté à l’incompréhension, et même la révolte, d’une partie du clergé qui a refusé d’obéir, notamment en Afrique. Autre avancée qui laisse un goût d’inachevé : la lutte contre les abus sexuels dans l’Église. Le pape défunt a bien lancé un effort de transparence et de sévérité, mais est resté au milieu du gué. Il n’a pas voulu, par exemple, recevoir Jean-Marc Sauvé, le président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, qui a dénoncé un « phénomène massif et systémique » (plus de 300 000 victimes recensées en France) et proposé 45 recommandations…
Proche du peuple, François avait 50 millions d’abonnés sur Twitter et aimait le foot. Il a su lancer beaucoup d’idées, pas toujours les faire partager ou appliquer. Espérons que son successeur soit aussi doué pour la communication mais que ce talent ne se limite pas à émettre autant de vœux… pieux.