Changer la République
Nos institutions ne correspondent plus à l’état réel de nos démocraties. Mais leur réforme suppose de réunir une large approbation, bien au-delà de la gauche.
L’ennemie, c’est la division des Français. Chacun voit tous les jours que la répartition territoriale des Français crée un sentiment de relégation chez beaucoup d’habitants des zones rurales, tandis que nos concitoyens des centres urbains ont parfois le sentiment de vivre dans des forteresses assiégées. Cette France fracturée complique la tâche de toute réforme. Vieil héritage de paresse imprévoyante et de manque d’anticipation, exception européenne qui conduit à cette forme de séparatisme qui a profondément divisé le pays en blocs antagoniques, si ce n’est irréconciliables. Mais y remédier demande du temps, de la patience et surtout une vision plus globale.
Un mode de scrutin proportionnel
Le sujet est sensible, mais la vraie vie est parfois plus forte que le livre, saint ou laïque. La Ve République n’est plus en prise avec les évolutions de la société qu’elle a accompagnées un temps avant de les entraver. En quelque six décennies, la relation des citoyens au pouvoir a fondamentalement changé. La démocratie n’est pas vécue de la même manière aujourd’hui que dans les années 1960. Elle a d’autres exigences.
L’appétence pour un mode de scrutin proportionnel, par exemple, s’est considérablement renforcée. Chez les politiques, de François Hollande à Yaël Braun-Pivet, qui ont pu mesurer, aux fonctions qui ont été les leurs à quel point il est urgent de mettre en rapport le marbre des textes et les pratiques qui ont cours au sommet de l’État comme dans les urnes… par temps calme et à plus forte raison quand la tempête gronde.
Dans l’opinion, c’est sans doute la première source de frustration devant un mode de scrutin qui produit des « majorités » qui n’en sont pas et entretient des prétentions minoritaires à gouverner envers et contre des majorités réelles. La France Insoumise l’a illustré jusqu’à la caricature. Le tout avec des relents d’arrière-cuisine en vue de petits arrangements entre amis et parfois entre ennemis, qui plombent l’atmosphère et discréditent la vie politique comme la démocratie… au seul profit de l’extrême droite.
« Le temps est venu pour tous ceux qui appellent de leurs vœux une République plus démocratique, plus européenne de se mettre au travail sans préjuger de ce qu’il adviendra au bout du processus »
Pour autant, c’est le type d’échéance qu’il faut aborder avec audace, mais sans bousculer les étapes au risque d’essuyer un échec. L’histoire des quatre-vingts dernières années et des processus constituants qui les ont émaillés l’atteste. Tester un diagnostic partagé sur la nécessité d’engager une révision constitutionnelle et les possibilités de la voir aboutir est un préalable qui incombe au Parlement comme au Président.
Cela semble urgent sur trois questions au moins, le mode de scrutin, l’organisation territoriale et… le mode d’élection de la Présidente ou du Président, réputé à juste titre constituer la clé de voûte de l’ensemble. Sans compter que nous ne pouvons pas continuer d’ignorer l’expérience de tous nos voisins ou presque, qui vivent des régimes parlementaires plus démocratiques.
Une nouvelle règle commune
Le temps est donc venu pour tous ceux qui appellent de leurs vœux une République plus démocratique, plus européenne de se mettre au travail sans préjuger de ce qu’il adviendra au bout du processus. Un débat public s’impose sur le sujet avec le concours de toutes les Institutions concernées. Un débat qui pourrait être fondateur en ce qu’il rapprocherait nos concitoyens de la règle commune qu’ils se choisiraient plutôt que de la subir tel un héritage pas forcément désiré.
Voilà les grands chapitres sur lesquels il est urgent de travailler pour proposer, pour vérifier accords et désaccords au sein du Nouveau Front Populaire et bien au-delà. Au moment où en Espagne, en Grande-Bretagne, en France, les gauches ont rendez-vous avec l’histoire. Une manière pour nous de commencer à répondre à la hauteur des enjeux que la situation issue des urnes le 7 juillet a mis à l’ordre du jour.