Cinéma : la renaissance italienne !
Les films à succès questionnent le féminisme, l’immigration ou la guerre. En réaction à l’extrême-droite au pouvoir. Forza !
Des queues interminables devant les salles ? Où ça ? Mais en Italie. 58,6 % de spectateurs en plus en 2023. Le film le plus vu ? « C’é ancora domani » (Il reste encore demain), le premier long métrage de l’actrice et réalisatrice Paola Cortellesi, une débutante de 50 ans qui dénonce l’Italie machiste d’avant-guerre… et celle d’aujourd’hui.
Les nouveaux metteurs en scène à succès du Nord au Sud utilisent tous la langue de Dante. De là à parler de « renaissance cinématographique », de nouveau « miracle italien », le pas n’est pas difficile à franchir. L’Association des distributeurs italiens ne s’en est pas privée en proclamant : « L’histoire a changé de cours. Le cinéma est à la mode ».
Et pas n’importe lequel. Comme dit Walter Veltroni, journaliste, homme politique, membre du Parti Démocrate, lui-même réalisateur : « Il s’agit de films d’engagement civique, loin de la comédie à l’italienne ». Le phénomène est donc complètement nouveau.
L’euphorie qui entoure « Il reste encore demain », raconte la découverte en 1946 du droit de vote des femmes. Rien de militant, de politiquement correct dans le propos, mais un simple récit au cœur d’une famille. « Enea », Enée, signé Pietro Castellito, 32 ans, exprime un réalisme destructeur, qui relate l’implosion du monde radical-chic romain, loin de la « Dolce vita ». On doit aussi s’arrêter un instant sur Matteo Garrone, 57 ans, qui n’est pas, lui, un débutant, et sur son film « Io capitano » (Moi capitaine), qui a bouleversé tous les publics à la fin de 2023 avec le récit épique de deux Sénégalais de 17 ans, qui traversent l’Afrique pour débouler en Europe par le port de Lampedusa.
Sans oublier « Comandante » (Le commandant ) signé Eduardo De Angelis, 45 ans, ou l’histoire vraie d’un officier italien qui, en juin 1940, en pleine guerre, risque tout pour sauver, depuis son sous-marin de 73 mètres de long, les naufragés du bateau belge qu’il vient de couler n en proclamant « Nous sommes Italiens, nous ne laissons pas les gens se noyer ».
Ces succès cinématographiques italiens, où le noir et blanc, domine, ne naissent pas de choix faciles, démagogiques. Les dialogues sont directs, sans sophistication. Les thèmes évitent les petites histoires de couple, de sexualité réprimée ou au contraire épanouie. Pas de films à sketches ou de situation comique à répétition. Ces œuvres s’inscrivent bien à contre-courant du contexte politique italien actuel, dominé par une extrême droite péremptoire.
Au contraire, il réhabilite le débat, la discussion, l’échange autrement dit le sens critique sur un ton revigorant de « révolution culturelle »
Valerio Carocci, a créé en 2012 à Rome la fondation « Cinema America ». Ce passionné de cinéma de 32 a réussi à réhabiliter les soirs d’été sur les places de la capitale, les projections en plein air. Elles permettent de redécouvrir des chefs-d’œuvre oubliés et d’en débattre avec des spécialistes. Fin 2021, il a rouvert, pour la première fois depuis des décennies, dans le quartier intello de Rome, une salle fermée du Trastevere. Le « Cinema Troisi » offre 300 sièges confortables, plus une salle d’études de 95 places pour jeunes cinéphiles. En 2023, Le Troisi a vendu 90 000 billets. Un record.
Cette renaissance du cinéma italien n’a rien d’éphémère. Elle montre que l’Italie a les moyens culturels de tourner la page de la démagogie. L’espoir, quoi ! Parce qu’« il reste encore demain ».