Comment arrêter le RN ?

par Laurent Joffrin |  publié le 20/10/2025

La dernière étude de l’IPSOS confirme l’inexorable montée de l’extrême-droite dans la société française. Ce qui nous conduit à des conclusions claires et sans appel.

portrait de Laurent JOFFRIN (Photo Philippe-Matsas, 2020)

Passionnante, mais fort inquiétante, la dernière livraison de l’enquête annuelle « Fractures françaises » d’IPSOS réalisée pour Le Monde ! Elle confirme d’abord avec éclat ce qu’on pressent et redoute depuis des lustres : la montée du RN n’a rien de conjoncturel, elle repose sur un mouvement de fond. Secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès et préfacier de l’étude, Gilles Finchelstein définit ce mouvement comme « l’extrême-droitisation » du pays. Un seul indice parmi beaucoup d’autres : lorsque l’on interroge les Français sur le parti politique dont ils se sentent « le plus proche ou le moins éloigné », le Rassemblement national (RN) est en tête, très loin devant tous les autres (14 points d’écart).

En corollaire, quand les Français se définissent sur un axe droite-gauche, ils sont 41% à se dire à droite et 28% à gauche. Pire : 18% des personnes interrogées se disent « ni de droite ni de gauche », mais on sait que la moitié d’entre elles, au moins, sont en fait proches de l’extrême-droite. Ce qui confère à l’ensemble des droites (plutôt dures en moyenne) une adhésion de plus de la moitié des Français, contre un tiers pour la gauche.

Au sein de cette gauche, les socialistes surnagent difficilement et LFI, qui pourrait servir d’aiguillon, est en fait un repoussoir qui facilite la tâche du RN : les Français estiment que les Insoumis sont nettement plus « dangereux pour la démocratie » que le RN.

Les conclusions politiques de l’enquête sont dès lors faciles à formuler.

  • 1) Outre les programmes ou les personnes, les prochaines échéances électorales seront dominées par une grande et unique question : comment empêcher le RN de gagner ?
  • 2) Entraîné dans la chute du macronisme, l’ex-« bloc central », désormais dévalué et divisé, a fort peu de chances d’y parvenir, d’autant que ses électeurs les plus à droite sont attirés par le RN comme des clous par un aimant.
  • 3) Une gauche où LFI jouerait un rôle plus ou moins dominant ferait fuir ses soutiens les plus modérés et resterait immanquablement confinée dans son pré carré, à l’intérieur du petit tiers de l’électorat où il se morfond depuis bientôt neuf ans.
  • 4) Seul un candidat progressiste crédible serait en mesure d’enrayer ce mécanisme implacable, à condition qu’il réunisse autour de lui la gauche démocratique et reprenne à l’ancienne majorité macroniste une partie de ses électeurs. C’est-à-dire qu’il défende avec vigueur les valeurs républicaines et qu’il réponde de manière claire aux questions qui taraudent l’électorat : le redressement du pays, le pouvoir d’achat, la sécurité et l’immigration.

On dira que ces conclusions politiques ne sont pas dans l’enquête d’IPSOS et qu’elles reflètent des préférences subjectives. On aura raison. Mais il reste à démontrer en quoi elles sont fausses.

Laurent Joffrin