Cours Camarade, LFI est derrière toi
Le documentaire de nos confrères diffusé jeudi soir sur France 2, consacré à J-L Mélenchon était évidemment implacable. Il confirme un fonctionnement stalinien, soulevant la question de l’emprise.

Regarder un documentaire consacré à J-L Mélenchon n’est pas un film à suspense. La musique de Nino Rota plante le décor, pour mieux illustrer les pratiques du parrain du populisme. De Simonet à Garrido, les victimes des purges clament leur incompréhension et plaident pour un fonctionnement démocratique, une fois évincées. Dans le rôle de la troïka appelée à la succession, Panot et Bompard se damnent pour illustrer l’infaillibilité du chef et justifier la promotion Lénine, composée de Boyard, Guetté ou Léaument. Les brutes lambertistes du POI confirment leur réputation légendaire, accompagnant les basses œuvres à l’occasion de l’affaire Quatennens, entretenant le doute sur la nature des liens avec J-L Mélenchon. Enfin, la famille, comme dans tout système clanique, officielle ou apparentée, du gendre à la compagne, occupe une place de choix à laquelle il est déconseillé de désobéir.
Le magazine d’investigation revient avec moults détails savoureux sur la puissance sans limite du chef, entre menaces affectueuses, disgrâces préparées ou coups de sang humiliants. Dans ce domaine, l’interview la plus symptomatique est celle de la députée de Gironde Pascale Martin, se fendant d’un digne communiqué de presse à l’occasion de l’affaire Quatennens, dénonçant la réaction de J-L Mélenchon. Défendant ses convictions féministes inaliénables, partagées par d’autres, elle est pourtant seule à parler. Ce silence, cette tolérance en guise d’acceptation sont la vraie question posée par ce documentaire. Elle s’adresse autant aux anciens adeptes qu’à ceux d’aujourd’hui ou à ceux qui acceptent encore de pactiser avec ce mouvement.
Seules les saillies antisémites sordides lui étant adressées sur des notes de blog auront permis au député socialiste de l’Essonne, Jérôme Guedj, d’acter la rupture définitive avec son ancien compagnon de route et ami. Il aura fallu la disgrâce publique, soudaine et violente pour qu’Alexis Corbières prenne lui aussi la mesure de méthodes pourtant éprouvées jadis. Issu lui-aussi du lambertisme, exclu puis menacé pour son orientation, il avait trouvé chaumière plus accueillante avec quelques-uns de ses camarades chez les frères ennemis de la LCR dans la dernière décennie du siècle dernier avant de rapidement rejoindre l’ancien sénateur, pas encore populiste.
Pourquoi tous ces hommes et ces femmes ont-ils accompagné si longtemps la dérive d’un homme, un comportement organisationnel brutal et confiscatoire, dont la privation du débat démocratique ?
A l’heure où l’emprise religieuse est soulevée pour expliquer l’omerta criminelle des écoles confessionnelles catholiques, le même sentiment s’invite au visionnage de ce documentaire. Mélenchon pratique dans son mouvement comme Joseph Staline le fit à une autre échelle avec les moyens d’un appareil d’Etat et son prolongement armé international. Il tient ses fidèles jusqu’à la rupture comme le Vojd constituait sa bureaucratie avant de s’en débarrasser dans des procès publics justifiant de serrer les rangs au nom de la forteresse assiégée. Bien sûr, Mélenchon ne disposera jamais – c’est heureux- des moyens pour extorquer les aveux à ces fidèles parmi les fidèles, brisés par cette rupture politico-freudienne. Mais l’on ne peut s’empêcher de frémir, imaginant Chikirou ou Léaument endossant le costume de la Guépéou avec les moyens d’un appareil de répression, rendant visite à Simonet, opposante supposée, recevant sur sa messagerie Telegram : « Je vous passerai tous à la trappe. »
Et pourtant, ils se sont tus. Tous. Comme un documentaire de jadis sur le printemps de Prague, la révolte hongroise de 1956 ou les éliminations dans l’Espagne en fête, sur la dékoulakisation ou la grande Terreur, comme une chanson de Jean Ferrat évoquant « Le Bilan » en 1980, ils ne savent pas bien pourquoi ils ont continué à croire, à suivre ou à couvrir une conduite incompatible avec l’héritage de la gauche démocratique. Encore groggys, on les plaindrait presque tout en réclamant une explication à ce tardif compagnonnage infâmant.
Dès lors, comment admettre que Marine Tondelier et d’autres, envisagent sérieusement des listes municipales avec une telle galaxie, si ce n’est pour de vils calculs boutiquiers ?
Lien du replay : Complément d’enquête – Jean-Luc Mélenchon : la lutte finale ?