Dati et sa loi audiovisuelle : est-ce le moment ?
La ministre veut à tout prix attacher son nom à la réforme d’un service public qui se porte plutôt bien. Elle a des arguments, mais elle choisit bien mal son heure…

Finalement, Rachida Dati a réussi à faire inscrire son projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel à la fin du mois de juin. Est-ce pour autant l’assurance qu’il sera voté ? Cela est plus qu’incertain en raison de l’encombrement parlementaire, des oppositions au texte et de l’hésitation, sur beaucoup de bancs, à se lancer dans un débat de cette nature quand les urgences nationales et internationales dominent l’actualité.
Sur le fond, il y a un intérêt à rapprocher des activités qui, du fait de l’extension du numérique, se sont beaucoup mélangées. Les débats radiophoniques sont filmés et mis en ligne ; on trouve partout des sites de journaux ayant des extensions audiovisuelles, voire des chaînes de télévision, et l’on comprend bien que dans beaucoup de domaines, les différents médias croisent leurs activités. C‘est ce qui se fait un peu partout, permettant d’améliorer la productivité et de rationaliser la fabrication des émissions, surtout l’information et le direct. Il y aurait également sûrement intérêt à mutualiser les services supports (RH, communication etc..).
Mais ce n’est pas la raison de notre scepticisme : est-ce le moment, alors que le Parlement ne parvient pas à étudier les textes fondamentaux qui ne manquent pas dans le domaine économique, social ou sociétal en particulier, au moment où la situation internationale requiert la plus grande attention, de créer une holding avec pour seul objectif de centraliser le pouvoir entre les mains d’un seul président ?
Que l’on sache, Radio France se porte bien et, contrairement à ce qu’a raconté la ministre dans une interview fracassante à France Inter, renouvelle son auditoire et reste la première radio de France. Quant à France-Télévision, qui pêche certainement sur la qualité de l’information, elle offre une gamme de programme de grande diversité sur ses différentes antennes. Alors pourquoi diable créer des difficultés, des remous et sans doute des grèves, à un moment où il y aurait bien d’autres choses à faire dans chaque entreprise pour diminuer les coûts, revoir les procès de production sans procéder à un grand chambardement qui va mobiliser des énergies, susciter des conflits et donner lieu a des tractations politiques aussi vaines qu’inutiles ?
Il y a de bien meilleures façons de s’adapter au développement technologique que de procéder à un bouleversements institutionnel générateur de désordre et la plupart de temps de couches supplémentaires de pouvoirs qui ralentissent l’action Ayant déjà vécu ce genre de situations, je peux témoigner que ce n’est pas par des réformes institutionnelles que l’on règle ces questions, surtout dans un parlement imprévisible et avec une ministre en conflit quasi ouvert avec les responsables de ces médias qu’elle vient décrier sur leurs propres antennes.
Est-ce l’envie d’attacher son nom à une énième réforme audiovisuelle – malgré la caution sur mesure de Laurence Bloch, ancienne patronne de France Inter – dans une période incertaine pour son avenir judiciaire et politique ?
La seule question qui vaille aujourd’hui est de renforcer le service public, au lieu de le décrier ou de le mettre en difficultés en réduisant ses crédits. Les démocraties sont menacées par les régimes illibéraux, l’extrême droite s’infiltre partout – en France de Bolloré à Stérin – et qui veut privatiser tous les médias publics en menaçant la liberté de l’information. Le danger est là, priorité absolue. On aimerait l’entendre dire par la ministre. Le reste n’est que diversion.