De guerre lasse, Mesquida rend les roses
Parmi les répercussions du dernier congrès socialiste, le président du conseil départemental de l’Hérault Kleber Mesquida, annonce son départ du PS.
Le « charisme d’un directeur de pompes funèbres », c’est ainsi que l’ex homme fort du département, qualifie à mots couverts, Olivier Faure, patron d’un parti affaibli. Ce lundi soir, celui qui possède cinquante années de militantisme dans la vieille maison, indique qu’il ne croit plus possible son redressement.
Avant même les prochaines joutes électorales annoncées comme hautement périlleuses dans l’ex midi rouge devenu brun, le Parti socialiste perd donc une de ses dernières places fortes, un département détenu successivement par la SFIO, puis le PS depuis la libération. Bien sûr, l’élu demeure à gauche en s’engageant plus significativement aux côtés de Bernard Cazeneuve et de sa convention, mais l’onde de choc illustre l’effet de ciseau qui menace désormais le parti de Jaurès, faute d’épouser une ligne qui le mette définitivement à l’abri de la meute et de ses tentacules.
Carole Delga, présidente de région la mieux élue de France en 2021, avait annoncé, elle-aussi, son départ en cas de réélection d’Olivier Faure avant de se raviser. Et la tentation de Venise est effectivement forte. Parmi les élus ou les militants, le spleen gagne du terrain au pire des moments, coïncidant avec l’entrée dans un tunnel électoral échelonné sur trois ans. Sans doctrine ni horizon, sans incarnation digne de ce nom, le bateau tangue et les tentations se précisent entre celles de Place Publique, la Convention ou plus simplement la pêche. Les oppositionnels socialistes réclamaient Épinay et la refonte d’une maison socialiste plurielle, ils se retrouvent en 1969 avec un courant rabougri, incapable de saisir l’air du temps.
À l’époque, la jeunesse cherchait sa voix singulière, à bonne distance du stalinisme et d’un Mollétisme failli. C’était alors la fin d’une époque et le commencement d’un nouveau cycle, fait de flux et de reflux, jusqu’à l’arrivée aux affaires de ces boomers troquant vestes en velours pour des costumes ministériels. Le départ symbolique du président d’un département historiquement socialiste illustre un peu cette fin de cycle, toujours difficile à vivre à l’échelle d’une vie. L’âge du capitaine y contribue naturellement, mais pas seulement.
Dans son discours de clôture au congrès de Nancy, le Premier secrétaire prépare sans surprise le vote de la censure, convaincu que la bataille d’arrière-garde sur les retraites permettra à nouveau de sauver les strapontins de la boutique dans une alliance de circonstance, présentée comme défensive et conjoncturelle le jour venu. Jamais deux sans trois. Olivier Faure et les siens ne prennent pas la mesure de la place prise par la maison Europe, la nécessaire convergence de systèmes hérités de vieux États nations, tous concernés par le vieillissement et l’absolue nécessité de l’immigration de travail régulée.
Par habitude et facilité, les socialistes vont réciter leur chapelet au nom de l’unité. Et tant pis pour le réel. Si le mollétisme se caractérisait par le grand écart permanent entre un discours maximaliste et une pratique du pouvoir recentrée, à l’encontre d’un Blum partisan d’une adéquation entre le discours et la pratique, le faurisme ne se mesure qu’à l’aune des coups tactiques pour gagner un congrès, une circonscription, un pré carré, dans un campisme que l’histoire balaiera.
C’est probablement un peu tout cela qui a eu raison de Kleber Mesquida et de son attachement à une maison défigurée. Une maison qu’il ne reconnait plus. On peut l’entendre. Mais en vérité, la gauche est fracturée, indépendamment de l’appartenance partisane. Les écologistes barbotent dans la marre sur mesure dessinée par Mélenchon. Les socialistes n’en finissent plus de se marginaliser à l’heure où leur électorat leur adressait enfin un satisfecit en compagnie de Raphaël Glucksmann. Les sociaux-démocrates hors-les-murs cherchent à s’organiser, multipliant les chapelles, avec la foi des minoritaires qui savent les grands bouleversements en cours, sans posséder pour l’heure les leviers pour agir.
Face à ce champ de ruines, les gens de Raison, épris de démocratie et de solidarités n’ont d’autre alternative que de se rejoindre. Malgré les fracas du monde, il n’y a pas de plan B.