Charlie : de la sidération à la résilience

par Valérie Lecasble |  publié le 03/01/2025

Depuis que l’attentat de Charlie Hebdo avait sidéré le monde, la France a participé avec d’autres pays à des coalitions internationales contre le terrorisme jusqu’à éradiquer l’Etat Islamique. Mais si on peut éliminer une organisation, on ne tue pas une idéologie.

À Nice, le 8 janvier 2015 une banderole est déployée sur laquelle on pouvait lire "Je suis Charlie" avec les portraits du rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Stéphane Charbonnier (Charb), des dessinateurs Georges Wolinski, Jean Cabut (Cabu), Bernard Verlhac ( Tignous), Philippe Honoré (Honoré) et Bernard Maris, rédacteur en chef adjoint de Charlie Hebdo, après que des terroristes islamistes ont attaqué le journal satirique Charlie Hebdo le 7 janvier, faisant 12 morts. (Photo Valéry HACHE / AFP)

Le 7 janvier 2015, l’alerte sonne sur le téléphone portable : des hommes armés de fusils d’assaut ont pénétré les locaux du journal satirique Charlie Hebdo, au coin de la rue Nicolas Appert et du boulevard Richard Lenoir dans le 11ème arrondissement de Paris. Ils ont tiré à vue sur douze personnes dont huit membres de la rédaction. Parmi eux, nos amis, dessinateurs de presse, au Nouvel Obs, à l’Événement du Jeudi, et dans d’autres journaux et revues. Ils s’appellent Cabu, Tignous, Wolinski, Charb et Honoré. Tué aussi l’économiste Bernard Maris qui débattait chaque semaine le vendredi sur la chaîne d’information i-Télé. Blessé Philippe Lançon, dont la mâchoire a explosé sous une balle de kalachnikov et qui racontera trois années plus tard avec grand talent l’histoire de sa reconstruction dans son livre plusieurs fois primé « Le Lambeau ».

L’urgentiste Patrick Pelloux, chroniqueur à Charlie Hebdo, débarque sur les lieux quelques minutes après la fusillade. Il prévient François Hollande qui le rejoint. Traqués, les frères Kouachi, auteurs de l’attentat, sont abattus quarante-huit heures plus tard dans une imprimerie.

La France est sous le choc, en état de sidération … Le 11 janvier, plus d’1,5 million de personnes défilent à Paris, 2,8 millions en province dans une marche Républicaine contre le terrorisme et pour la liberté d’expression. Quarante chefs d’Etat sont venus du monde entier pour manifester à leurs côtés. En tête du cortège, François Hollande est entouré de la chancelière allemande Angela Merkel et du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK.

Deux ans auparavant, en janvier 2013, alors que les terroristes se rapprochaient dangereusement de Bamako, le président français avait répondu à l’appel au secours de son homologue malien pour envoyer l’Armée française en renfort contre les assaillants qui menaçaient de s’emparer du pays. L’opération Serval est un succès tel que la France décide de la prolonger à partir de juillet 2014, en intégrant un dispositif régional auprès des armées locales, l’opération Barkhane qui durera huit ans jusqu’à ce que les derniers soldats français quittent le Mali à la mi-août 2022.

Pendant ce temps, au Levant, l’organisation terroriste Daech instaure pendant l’été 2014, l’Etat islamique, un califat qui contrôle au nom de la charia la plupart de l’Irak et une bonne partie de la Syrie. Son objectif est la destruction du monde occidental et de ses valeurs, surtout dans les pays où les musulmans dits « déviants » les ont adoptées. La France est au cœur de sa cible.

Dès septembre 2014, les forces armées françaises participent à l’opération Chammal, à la demande du gouvernement irakien, afin d’assurer un soutien aérien aux forces locales qui luttent contre Daech. Un an plus tard, l’opération Chammal est étendue à la Syrie afin d’aider à la neutralisation des camps d’entraînement de l’Etat islamique qui y prolifèrent et où de plus en plus de terroristes français radicalisés viennent se former. Le 13 novembre 2015, Daech attaque le Bataclan où des jeunes français sont venus écouter un concert de musique. Le bilan est de 90 morts et des centaines de blessés.

Voilà comment depuis dix ans, la France a vécu sous la menace terroriste. Après l’héroïque bataille de Mossoul en Irak puis l’évacuation de la ville de Raqqa en Syrie, l’Etat islamique a été éradiqué avec la fin du califat en mars 2019 puis l’élimination du chef de Daech Al Baghdadi par les forces spéciales américaines quelques mois plus tard.

Aujourd’hui, l’Etat islamique n’existe plus mais les ramifications de Daech perdurent. L’Occident a combattu les hommes et démembré les organisations mais n’a pas pu tuer l’idéologie au nom de laquelle certains radicalisés assassinent, hier encore à la Nouvelle-Orléans. Depuis dix ans, le terrorisme est entré dans l’inconscient des Français comme une menace latente avec laquelle il faut vivre. Sans savoir ni d’où viendra la prochaine attaque ni qui en sera la victime. De la sidération à la banalisation, une décennie s’est écoulée …

Valérie Lecasble

Editorialiste politique