Déficit : Le Maire et Macron sur la sellette

par Valérie Lecasble |  publié le 15/10/2024

La Commission des finances de l’Assemblée nationale devient commission d’enquête pour comprendre pourquoi le déficit de la France a dérapé. L’ex-ministre de l’Économie est visé, et avec lui le Président de la République.

Dessin de Bendak

L’étau se resserre. Depuis que Michel Barnier a découvert l’envolée du déficit budgétaire de la France en 2024 à 6,1 % au lieu d’une prévision de 4,4 %, les Français se demandent comment on en est arrivés là. « Il y a eu tricherie », est convaincu l’ex-ministre socialiste des Finances Michel Sapin dans nos colonnes. « C’est du jamais vu, on ne s’attendait pas à ça », renchérit le président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici.

Quand le vendredi 11 octobre, Eric Coquerel, président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, réclame l’ouverture d’une enquête parlementaire pour comprendre pourquoi personne n’a vu venir le plus gros dérapage des finances de la France sous la Vème République, tous les responsables politiques sans exception lui emboîtent le pas. Il suffit de quatre jours, dont deux ouvrés, pour que la Conférence des présidents de l’Assemblée réunie autour de Yaël Braun-Pivet, en acte le principe, grâce à l’accord unanime de tous les partis politiques, y compris celui de Gabriel Attal.

Désormais les 73 membres de la Commission des finances ont voté leur demande d’attribution de compétences d’enquête pour se transformer en véritable commission d’enquête, habilitée à interroger sous serment sur les finances de la France, tous les acteurs qu’ils souhaiteront… sauf le Président de la République.

« Nous devons cette vérité des comptes, des chiffres et cette transparence à nos concitoyens », avait lancé Eric Coquerel. On peut compter sur lui pour convoquer les responsables concernés à Bercy, à Matignon, à l’Élysée et dans les instances concernées. Dans son viseur, Bruno Le Maire qui sera entendu par la commission d’enquête, tout comme ceux qui ont participé à l’élaboration du budget et ont pu avoir à connaître les raisons de son dérapage. Accumulation de maladresses et de mauvaises anticipations ? Ou réelle volonté de dissimulation ? En première ligne, l’ex-ministre de l’Économie qui devra rendre des comptes, précis cette fois, n’entend pas se laisser faire ni servir de bouc émissaire.

À peine le vote de la Conférence des présidents connu, il a réuni sa garde rapprochée d’une quinzaine de députés dont Mathieu Lefèvre et Olivia Grégoire au restaurant l’Hémicycle proche de l’Assemblée nationale, afin de préparer la contre-offensive. L’affrontement promet d’être rude : le combatif Éric Coquerel devrait avoir à ses côtés le tatillon Charles de Courson, rapporteur général LIOT du budget, dont les compétences et le caractère ne sont pas sans rappeler celles du sénateur LR Philippe Bas, qui avait mené en 2018 la commission d’enquête sénatoriale lors de l’affaire Benalla.

C’est dire l’enjeu pour Bruno Le Maire et, dans son sillage, Emmanuel Macron. Alexandre Benalla, qui avait en son temps écopé de trois ans de prison, dont un ferme, pour des violences commises le 1er mai de 2018, avait servi de paravent à Emmanuel Macron tout juste élu. On peut douter que Bruno Le Maire adopte la même attitude. L’ex-ministre de l’Économie et des Finances a été fort contrarié de se voir refuser au printemps dernier par le chef de l’Etat la présentation d’un collectif budgétaire, alors qu’il apparaissait déjà que les recettes ne seraient pas à la hauteur du montant attendu. Quitte à endetter encore l’État, Emmanuel Macron n’avait pas souhaité ouvrir le débat juste avant les élections européennes.
« La vérité apparaîtra plus tard » a mystérieusement répondu par texto Bruno Le Maire au journaliste de France 2 qui a enquêté sur le sujet.

Michel Barnier, qui réclame « la vérité » sur le dérapage budgétaire, a tracé les grandes lignes du tableau : un « emballement » de 300 milliards d’euros du déficit à la suite d’une « mauvaise maîtrise » de la sortie de crise du Covid pour déboucher sur un coût de remboursement de la dette de 55 milliards d’euros par an, soit 700 euros par Français, y compris les bébés… De quoi attirer toute leur attention.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique