Destitution : PS, Parti Soumis
Les socialistes savent très bien que la demande de destitution avancée par Jean-Luc Mélenchon est à la fois outrancière et contre-productive. Et pourtant ils voteront pour sa recevabilité…
Voilà une position claire et courageuse, un vote sans ambiguïté, un acte de résistance sans faille : bravo le PS ! Cette position se résume ainsi : nous sommes contre mais nous voterons pour, nous récuserons mais nous acceptons, nous jugeons la démarche néfaste, mais nous permettrons qu’elle continue. Autrement dit : motion oxymorique, motion chauve-souris, motion des pleutres. Une nouvelle fois, le PS a manqué l’occasion d’affirmer sa volonté, de décider par lui-même, de faire preuve d’un minimum de liberté de pensée face aux injonctions de la gauche radicale.
Reprenons. Fort marrie de voir ses efforts pour mettre en place un gouvernement du Nouveau Front Populaire (après avoir refusé tout compromis, ce qui tuait dans l’œuf la tentative), la France insoumise s’est appuyée sur un article de la constitution pour lancer une nouvelle campagne irresponsable, visant à la destitution du chef de l’État.
Chacun a vite compris que cette croisade, lancée par LFI sans aucune concertation avec ses partenaires et pour son seul bénéfice, ne tenait pas debout et n’avait aucune chance d’aboutir. L’article 68 stipule en effet que « le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat » ; il fait suite à un ancien article destiné à permettre au Parlement de chasser le président de la République en cas de « haute trahison ».
Ce qui en indique l’esprit : il s’agit de pouvoir destituer le président en cas de faute gravissime, de violation manifeste des institutions, ou bien de forfait personnel pendable. En termes triviaux, le Parlement peut se débarrasser du président s’il trahit le pays, ou bien s’il pique dans la caisse ou commet un crime de sang.
Comment peut-on se servir de cet article garde-fou pour sanctionner un choix certes contestable, celui de ne pas nommer Lucie Castets (on ne s’est pas privé de le dire dans cette lettre), mais qui ne viole aucunement la constitution, laquelle prévoit explicitement que « le président nomme le Premier ministre » ? Il s’agit en fait de la énième campagne d’agit-prop de la France Insoumise, destinée à démontrer, par son outrance, non une quelconque forfaiture d’Emmanuel Macron mais, plus cyniquement, qu’elle est la championne incontestée de l’opposition au président. Une fois ce postulat affirmé, les partenaires du NFP étaient sommés de se mettre à l’unisson, c’est-à-dire de servir de chambre d’enregistrement aux décisions de Mélenchon et de paillassons aux bottes de LFI.
Pour que la motion de destitution soit adoptée, il faut que le bureau de l’assemblée l’adoube, que la commission des lois l’approuve, et que l’Assemblée la vote à la majorité des deux tiers. Autant dire qu’elle n’a aucune chance de succès, sachant que les macronistes et la droite, en tout état de cause, voteront contre, si jamais elle venait à leur être soumise en séance. Palinodie ridicule, donc, qui aura pour effet de faciliter la propagande mélenchoniste et de renforcer, in fine, la légitimité du président de la République.
Tout à fait conscients de ces réalités, les socialistes avaient l’occasion de déjouer le piège tendu par leur vicieux partenaire, d’affirmer leur indépendance et d’écarter sur le champ cette proposition extravagante et contre-productive en votant son irrecevabilité au sein du bureau de l’Assemblée, où leur vote est décisif. Mais… c’eût été aller contre l’impérieuse volonté de Jean-Luc Mélenchon. C’eût été faire preuve de libre-arbitre et de cohérence, quitte à mécontenter ceux dont le but affiché est de maintenir à tout prix leur domination sur la gauche, notamment sur les socialistes.
C’était surtout trop demander à la direction du Parti. Avec la raideur d’une anguille et l’impavidité d’un avaleur de couleuvre, le PS votera donc pour la recevabilité, tout en affirmant son hostilité au projet. Il laissera Mélenchon crier victoire et prendra le rôle du supplétif trouillard et cauteleux, qui s’oppose sans s’opposer, qui dit oui en pensant non, qui cède à la première algarade tout en se débinant par la suite. En un mot : le contraire d’un parti adulte, qui décide lui-même de ses positions et défend sans trembler sa stratégie et sa tactique.