Destroy Europe Great Again

par Boris Enet |  publié le 09/02/2025

Ce samedi 8 février, à Madrid, un sommet nationaliste réunissait une partie de celles et ceux prêts à emboîter le pas au trumpisme sur le vieux continent. La dynamique est porteuse et la vague brune afflue. 

Marine Le Pen derrière le pupitre "Make Europe Great Again" de la réunion nationaliste européenne de Madrid, le 8 février 2024. (Photo de Thomas Coex / AFP)

Elle a peu goûté le slogan. Marine Le Pen a suffisamment d’intelligence tactique pour ne pas reprendre in extenso le « Make Europe Great Again » convoqué par son hôte, le Franquiste Santiago Abascal, président de Vox en Espagne et responsable du groupe des « Patriotes pour l’Europe » depuis novembre 2024. Mais là n’est pas l’essentiel. 

Marien Le Pen peut profiter de la vague réactionnaire venue d’Amérique. En évoquant un « basculement mondial » face à « l’état de sidération » de l’Union Européenne, elle profite opportunément de la conjoncture même si son second, Jordan Bardella, garde ses distances avec une partie des outrances du Néron des Amériques. L’objectif poursuivi est double.

Il y a d’abord une concurrence au sein des formations nationalistes européennes. Avec 86 députés sur 720 au Parlement Européen dont 30 au Rassemblement National, le groupe « Les Patriotes » est devenu la troisième force à Strasbourg. Sur ses talons, celui des « conservateurs et réformistes européens », emmené par la présidente du Conseil italien, comporte 80 députés devant le groupe de « l’Europe des nations souveraines » et ses 26 parlementaires au sein duquel siège l’Afd allemande. Damer le pion aux autres chapelles nationalistes est donc un premier objectif. La présence du hongrois Orban, à la tête du Fidesz, réputé proche de Donal Trump et la dynamique du RN sont deux atouts pour y parvenir, davantage si jamais la seconde économie de la zone venait à basculer dans l’escarcelle brune. 

L’autre but recherché est autrement plus déterminant. Il consiste à l’affaiblissement du Parti Populaire Européen (PPE). C’est, au fond, l’œuvre de Marine Le Pen d’y être parvenue en une quinzaine d’années en France. Formellement, il reste une droite française républicaine, mais la porosité avec les théories du RN la grignote toujours plus. Certains sont déjà passés en zone occupée à l’instar d’Éric Ciotti, quand d’autres, comme Bruno Retailleau, restent formellement en zone libre avec une collaboration active dès qu’il s’agit des sujets migratoires, de l’identité nationale et de la remise en question de l’État de droit. 

La tradition européenne à Strasbourg a toujours abouti à une forme de cohabitation entre le PPE et le Parti Socialiste Européen (PSE). Les deux premières forces du parlement ont pris l’habitude de composer, à l’image de la grande coalition allemande entre sociaux-démocrates et conservateurs, ne serait-ce que pour valider la commission. Or, la dynamique nationaliste offre de manière inédite l’alternative d’une coalition des droites. L’Autriche en fait l’expérience depuis peu sous hégémonie nationaliste, l’Italie connaît à sa tête un dégradé de droites-extrêmes dont la Lega, représentée à Madrid par le vice-président du Conseil italien Salvini et désormais, chacun retient son souffle à l’approche des élections législatives allemandes du 23 février prochain.

Mais le véritable vainqueur de ce week-end est absent. Le locataire de la Maison Blanche savoure probablement le poison distillé au sein de la vielle maison Europe. Dépêchant quelques poids lourds en la personne d’Elon Musk, multipliant les prises de position en soutien des forces destructrices de l’UE, dès vendredi soir, son ombre rôdait avec un dîner mondain réunissant Kevin Roberts, président du Think Tank The Heritage Fondation, véritable lobby infusant le trumpisme, aux côtés du gotha de l’extrême-droite continentale. Le succès de cette nouvelle offensive est-il inéluctable ?

Assurément, non. Les résistances s’organisent, quand bien même avec une certaine langueur. Nos confrères de la RTBF, en Belgique, appellent les autorités européennes à faire appliquer la loi Digital Services Act à l’unisson des parlementaires du PSE dont Raphael Glucksmann. Surtout, les quelques 200 000 manifestants à Munich, les 24 000 à Hanovre, après la démonstration récente à Berlin, indiquent que des pans entiers de la société allemande comprennent l’imminence du péril. Après les réactions d’Angela Merkel contre le probable futur chancelier issu de la CDU, prêt au rapprochement avec l’Afd, les sociétés européennes sont contraintes au sursaut. Avec un impératif : le temps. Il joue incontestablement au bénéfice des bruns.

Boris Enet