Deux jours pour éviter la censure

par Valérie Lecasble |  publié le 14/01/2025

Isolés à gauche, les socialistes ont jusqu’à jeudi pour obtenir les gages qu’ils réclament pour ne pas s’associer à la motion de censure que voteront LFI, les écologistes et les communistes.

Le Premier ministre François Bayrou arrive pour prononcer une déclaration de politique générale devant les députés à l'Assemblée nationale à Paris le 14 janvier 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)

François Bayrou a mis tout son poids dans la bataille mais il n’a pas sorti toutes ses armes. D’un ton volontairement dramatique, il a décrit les deux impératifs auxquels la France est confrontée : faire voter en urgence les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale. Pour réconcilier les français, au nom de la stabilité sociale et politique, il appelle à « joindre nos forces pour forcer les issues ». Il évoque aussi le courage après ces années où les gouvernements successifs ont mené, sous la pression des oppositions, la France « au bord du précipice », avec son pire surendettement depuis la guerre.

Une faute morale selon François Bayrou, qui fait peser sur nos enfants la charge des dépenses courantes que le pays n’a pas les moyens de financer aujourd’hui. Le fardeau provient des pensions de retraite qui coûtent 380 milliards d’euros par an ce qui oblige l’Etat français à emprunter 45 milliards, soit la moitié de la hausse des 1 000 milliards de sa dette. D’où la nécessité de trouver le financement.

C’est pourquoi le Premier ministre accepte de « rouvrir le chantier des retraites » où pendant une brève période, la Cour des Comptes aura la « mission flash » de donner l’état précis du financement des retraites, pour que les partenaires sociaux trouvent avant l’été une façon plus juste de les financer « sans totem ni tabou », à commencer par celui de l’âge légal à 64 ans. Une réelle avancée pour la gauche puisque, dès vendredi, la balle passe dans le camp des partenaires sociaux qui « partageront la même table et les mêmes bureaux pendant trois mois à dater du rapport de la Cour des Comptes ». S’ils trouvent une réforme, elle sera adoptée. Sinon, François Bayrou souhaite que la réforme actuelle, celle des 64 ans, continue de s’appliquer.

Cet exercice d’équilibriste vise à satisfaire tout le monde mais il ne contente personne. A droite, on retient que le totem des 64 ans, auquel Michel Barnier s’était interdit de toucher, a sauté. A gauche, l’on se focalise sur la non-suspension de la réforme des retraites.

« Le compte n’y est pas », s’indignent en chœur les socialistes qui dénoncent le flou des réponses apportées par le Premier ministre. Olivier Faure dans la soirée, reconnaîtra les avancées sur le dialogue social mais refusera l’éventualité d’un retour aux 64 ans en cas d’échec des négociations des partenaires sociaux. Il réitère donc sa menace de censure : « que les partenaires sociaux trouvent ou non un accord, je demande que le Parlement soit saisi ». En clair, ce sera aux députés de voter, au nom de la démocratie.

Boris Vallaud avait énoncé la philosophie socialiste quelques heures plus tôt. « Nous demeurons dans l’opposition, nous ne sommes à la recherche d’aucune coalition, nous voulons juste être utiles aux Français ». Et de réclamer gain de cause sur un certain nombre de points, à savoir la contribution fiscale des hauts patrimoines, l’augmentation de la flat tax, la sécurisation tout à la fois du budget de l’Outre-mer, des 4 000 postes dans l’Éducation Nationale, des fonds de la transition écologique et du prêt à taux zéro. « Nous avons huit points de rencontre sur les dix que vous avez évoqués », lui répond François Bayrou, en signe de conciliation.

Les socialistes peuvent-ils tenir seuls une ligne de non-censure alors que jeudi, leurs trois partenaires du Nouveau Front Populaire, LFI, les écologistes et les communistes, doivent voter une motion de censure contre la déclaration de politique générale ? Les conséquences seraient marginales puisque le Rassemblement National a déjà annoncé qu’il ne la voterait pas, ce qui empêche de renverser le gouvernement. Mais s’ils ne joignaient pas leurs voix à celles du NFP, les socialistes prendraient une sacrée distance avec La France Insoumise, donnant ainsi une victoire politique au Premier ministre. Pour l’obtenir, à lui de leur donner les derniers gages qu’ils lui réclament.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique