Docteur Jekyll et Mister Faure

par Valérie Lecasble |  publié le 17/12/2024

La voix du Premier secrétaire du PS porte enfin. Après sa rencontre avec François Bayrou à Matignon, il se dit « ouvert au compromis » mais reste « dans l’opposition ». Décryptage d’une ambiguïté.

Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure avec le président du groupe socialiste au Sénat Patrick Kanner et le président du groupe parlementaire Socialistes et Apparentés Boris Vallaud après une rencontre avec le Premier ministre à l'Hôtel Matignon le 16 décembre 2024. (Photo LOU BENOIST / AFP)

Il a soufflé le chaud et le froid. À sa sortie de Matignon où il venait, avec Boris Vallaud et Patrick Kanner de rencontrer François Bayrou, Olivier Faure a parlé d’un « échange sérieux et cordial », comme s’il délivrait un satisfecit au Premier ministre. Mais il a aussitôt ajouté qu’il restait « dans l’opposition » et qu’il menait « un dialogue exigeant », où les conditions d’une « non-censure » ne sont pas encore réunies. De quel côté basculera Olivier Faure ? La question est cruciale : de sa réponse dépend la durée de vie du gouvernement et le sort du futur budget Bayrou, qui ne passera pas sans la bonne volonté du PS.

Le Premier secrétaire est un Janus socialiste. D’un côté, il a suivi Jean-Luc Mélenchon, avalant toutes les couleuvres que lui servait La France Insoumise, jusqu’à s’abaisser à voter en faveur d’un débat sur la destitution d’Emmanuel Macron dont il ne veut pas. De l’autre, il se déclare en désaccord profond avec la ligne stratégique du patron de LFI qui vise à acculer au plus vite le Président de la République à la démission.

A le voir à Matignon, avec les patrons des groupes socialistes de l’Assemblée nationale et du Sénat, on lui donnerait le bon dieu sans confession. « Cet échange n’est pas conclusif, dit-il, il faudra nous revoir ». Doit-on comprendre qu’Olivier Faure cherche un « chemin » vers la non-censure, qui prendrait la forme d’un accord sur les retraites, sur le pouvoir d’achat et les services publics ? On note ainsi qu’il a substitué « l’exigence démocratique » à l’abandon du 49-3 qu’il réclamait la veille. Comme l’a remarqué le sage Lionel Jospin sur France-Inter, cet article est parfois indispensable pour faire avancer certains projets.

Mais Faure se fait aussitôt revendicatif : « nous sommes restés sur notre faim ; encore faut-il qu’il y ait un chemin ; nous n’avons rien signé ». Du coup, beaucoup le soupçonnent de conserver au fond la même ligne : dès les prochaines échéances électorales, redoutent-ils, il retombera dans ses travers boutiquiers, refusant tout accord pour complaire à LFI et récupérer quelques sièges en évitant que La France Insoumise fasse perdre trop de circonscriptions au Parti Socialiste.

Docteur Jekyll et Mister Faure… Lequel des deux Olivier s’imposera ? Il a échoué à obtenir pour lui le poste de Premier ministre dont il n’osait dire qu’il le guignait. Mais il a gagné son galon de premier opposant à gauche à Jean-Luc Mélenchon. En tenant tête à LFI, il figure enfin sur la photo. Il se retrouve surtout en meilleure position pour le prochain congrès du PS où son poste est en jeu. Serait-ce le fin mot de sa stratégie ?

Valérie Lecasble

Editorialiste politique