Donald Chamberlain

par Laurent Joffrin |  publié le 24/04/2025

À l’instar du Premier ministre britannique des années trente, Trump pense qu’il faut apaiser le dictateur Poutine en cédant à ses exigences territoriales. Or s’il est une leçon de l’Histoire, c’est que la faiblesse de leurs adversaires n’a jamais amadoué les dictateurs.

Laurent Joffrin

À lire Le Figaro, on a une idée assez précise du « plan Trump » destiné à mettre fin à la guerre d’Ukraine. Il s’agit de consacrer la partition de l’Ukraine en divisant le pays selon les lignes atteintes par l’armée russe dans sa guerre de conquête. Ainsi, sans aucune contrepartie, sans aucune garantie de sécurité, le pays agressé se voit amputé, non seulement de la Crimée, mais aussi de tous les territoires de l’est occupés par les soldats de Poutine. Au passage, Trump promet de lever les sanctions contre la Russie et d’interdire au président Zelensky de rejoindre l’OTAN. Avec un courage remarquable, le président américain baisse pavillon devant l’agresseur parce qu’il lui semble le plus fort et réserve tous ses coups à l’Ukraine, estimant qu’il est moins dangereux de trahir le plus faible.

Cette position déshonorante devrait, selon Trump, assurer la paix pour les années qui viennent. Pourtant, quiconque dispose d’un bon sens minimal comprend que Trump, dans ce conflit entre une démocratie et une dictature, choisit de déclarer vainqueur le dictateur et lui permet, une fois la première manche gagnée, de reconstituer son armée, de rétablir son économie, pour, dans un an ou dans cinq ans, remporter la deuxième en achevant la conquête de l’Ukraine.

Comment ne pas se souvenir d’une situation analogue, quand le Premier ministre britannique Neville Chamberlain a décidé en 1938 d’abandonner à son sort la Tchécoslovaquie convoitée par Hitler, en laissant le Führer dépecer de la même manière son territoire, et l’envahir totalement quelques mois plus tard ?

Pour justifier sa trahison, Trump déclare avec cynisme que Zelensky n’a plus de cartes en main. C’était aussi le cas du président tchèque Benes en 1938. Face à la pression nazie, il ne pesait pas lourd. Chamberlain s’est contenté d’en prendre acte, croyant « apaiser » Hitler. C’était encore le cas du ministre anglais Halifax, qui préconisait en juin 1940, n’ayant « plus de cartes en mains », d’abandonner l’Europe aux nazis en échange d’une paix avec l’Allemagne. Il avait fallu toute l’énergie et toute l’habileté de Winston Churchill pour maintenir la Grande-Bretagne dans la guerre, et sauver du même coup le camp des démocraties, dont tout indiquait pourtant qu’il était battu.

Il n’y a pas de Churchill à Washington, seulement des Chamberlain, qui ont remplacé le célèbre parapluie du malheureux Premier ministre par une casquette MAGA. Résolus à se rendre, ils promettent eux aussi « la paix pour une génération ». En adoptant la posture isolationniste que Roosevelt, brûlant d’aider Churchill, combattait en 1940, ils désertent la cause des démocraties pour un plat de dollars, ceux qu’ils économiseront en abandonnant les démocraties européennes et en rejoignant le camp des dictateurs.

Tel est le monde auquel il faut s’habituer. Sous les applaudissements de l’extrême droite européenne, cinquième colonne de Poutine, les États-Unis ont cessé de se vouloir les leaders du monde libre pour rallier celui de la tyrannie. Et pour rester dans les références anglo-saxonnes, l’Europe se retrouve devant le dilemme de Hamlet : être ou ne pas être. Rester solidaire de l’Ukraine et lui apporter les garanties de sécurité dont elle a besoin dans son malheur, ou bien disparaître de la scène internationale.

Laurent Joffrin