Droite : du vide au trop-plein

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 06/02/2025

La probabilité d’une élection anticipée s’éloigne mais les impétrants se multiplient. L’émergence de Bruno Retailleau a débridé les vocations.

Le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau marche avec le maire du Havre Édouard Philippe dans une rue du Havre le 13 janvier 2025, après une réunion de travail sur la sécurisation du port par où transite de grosses quantités de cocaïne. (Photo Lou BENOIST / AFP)

Dans des formations de droite et du centre qu’on disait exsangues, on ne compte plus les candidats à l’Élysée. Le seul officiellement déclaré reste Édouard Philippe. Mais tous ceux qui y songeaient aussi sans dévoiler leurs batteries se sont soudain mis à occuper le terrain, multipliant les interventions médiatiques, comme pour ne pas se faire oublier, à l’heure où le ministre de l’Intérieur, nouvelle star de la droite, décolle dans les sondages et fait figure de candidat plus que probable.

On a ainsi entendu Dominique de Villepin, nouveau venu dans la course, dire qu’il « ne pouvait pas se désintéresser » de l’échéance présidentielle ; Xavier Bertrand a confié qu’il ne guignait plus Matignon mais se concentrait sur l’objectif Élysée ; Bruno Le Maire a réémergé pour prouver qu’il avait tenté de limiter les déficits, publication de ses notes secrètes à l’appui ; Laurent Wauquiez entame un bras de fer avec l’hôte de Beauvau pour le contrôle du parti ; Gabriel Attal fournit des efforts désespérés pour être toujours dans le coup, flinguant ses petits copains, de Bruno Retailleau à Edouard Philippe, en passant par Elisabeth Borne.

Le succès inattendu de Bruno Retailleau dans L’opinion, où son audience déborde les rangs de la droite (il a même des sympathisants à LFI), n’en finit pas de provoquer des secousses. La publication d’un sondage d’Opinion Way, certes commandé par son micromouvement Force républicaine, a convaincu tous ses concurrents que l’affaire était sérieuse : Bruno Retailleau y apparaît non seulement comme la personnalité préférée pour diriger la droite mais aussi comme le meilleur candidat pour succéder à Emmanuel Macron pour 36% des électeurs de droite, contre 18% pour Xavier Bertrand et 12% pour Laurent Wauquiez.

La guerre des chefs a aussitôt repris pour le contrôle de LR. Lors d’un dîner seul à seul avec Bruno Retailleau, laurent Wauquiez lui aurait rappelé leur deal : à toi le gouvernement, à moi le mouvement. Sous-entendu, le candidat à l’Élysée, c’est moi. Le vendéen a fait savoir que sa décision de briguer la tête du parti n’était pas prise. Traduction : je n’en ferai qu’à ma tête. Les militants craignent de revivre le cauchemar des combats fratricides façon Copé-Fillon.

La concurrence est moins vive chez les néo-macronistes, où la suprématie d’Édouard Philippe est pour l’instant incontestée frontalement. Mais le pouvoir de nuisance de Gabriel Attal, même émoussé, reste présent. Et François Bayrou a peu apprécié que le maire du Havre ait publiquement jugé qu’il ne se passerait « rien d’essentiel » dans les deux ans à venir. Le béarnais n’a pas renoncé à ses propres ambitions. Son succès, là où Michel Barnier avait échoué, le conforte dans son espoir élyséen. Il faudra compter avec lui.

Comment départager tous ces impétrants ? Jean-François Copé, qui jure ne pas s’ajouter à la liste, supplie ses amis de s’organiser pour qu’un seul candidat soit désigné bien en amont de l’échéance : « Si on attend que les sondages tranchent, ce sera trop tard. Tout le monde aura obtenu un prêt de financement de campagne à la banque et sera contraint d’aller jusqu’au bout ». Or il n’y a une chance de figurer au second tour qu’en étant uni. Avec des extrêmes aussi forts, le centre et la droite ne peuvent concourir en ordre dispersé.

Si le diagnostic est largement partagé, le remède fait défaut. Personne ne veut plus entendre parler de primaires, qui réservent trop de mauvaises surprises. Le chef de l’Etat n’a plus aucun poids pour choisir son éventuel successeur. Et la raison ne semble pas dominer dans les rangs du socle dit commun. Alors, comment faire ? Monsieur Retailleau, adepte de l’ordre dans les rangs, a peut-être une solution à proposer…

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse