Druillet-Lovecraft : le choc des légendes
Sorti le mois dernier, l’ouvrage regroupe en un seul volume tout ce que Druillet a produit autour de l’univers de Lovecraft, réputé impossible à traduire en image.

Philippe Druillet, 80 ans, est une légende de la bande dessinée. On reconnaît ses planches au premier coup d’œil. Il a inventé un monde unique et flamboyant, dans des mises en pages spectaculaires. Souvent imité, jamais égalé. Outre ses BD mythiques, il a produit des dizaines de pochettes de disques, d’affiches, de tableaux.
On lui doit, entre autres, la création du fanzine « Métal Hurlant ». Dès le début des années 1970, il se fait remarquer par Les six voyages de Lone Sloane, qui reste une référence et comporte aujourd’hui six tomes. Dans les années 1980, il livre une adaptation géniale en trois tomes de Salambô, « d’après Gustave Flaubert » qui figure au panthéon des amateurs de bandes dessinées.
Très jeune, vers l’âge de treize ans, Druillet lit un auteur alors peu connu, sinon des passionnés de littérature fantastique et de science-fiction : Howard Philips Lovecraft (1890-1937). Il est fasciné, bouleversé, au point de déclarer des années plus tard : « J’ai lu « La couleur tombée du ciel » et je n’ai pas pu dormir pendant quinze jours ».
L’univers lovecraftien l’impressionne au point qu’il influencera toute son œuvre. Chez Lovecraft, des forces maléfiques attendent leur revanche sur les Hommes en sommeillant dans des cités englouties à l’architecture cyclopéenne et non-euclidienne : les Grands Anciens congelés dans les glaces de l’Antarctique, Cthulhu, le poulpe-dragon des abysses, Dagon, le dieu-poisson, les Ghoules au corps de gomme, Nyarlatotep, le Chaos rampant, Yog-Sothoth, amas de globes iridescents ou les redoutables Shoggoths, plus larges qu’une rame de métro.
Chez Lovecraft, il n’y a ni loups-garous, ni vampires, mais des êtres hybrides, multiformes, toujours en mutation, gluants, visqueux, verdâtres. Dégueulasses. Pour en venir à bout, les héros n’ont d’autres ressources que de déchiffrer les grimoires de magie noire les plus ésotériques. En particulier l’effroyable Necronomicon de l’arabe dément Abdul Alhazred – dont Philippe Druillet a inventé, en 1965, seize planches magnifiques sur papier japon avec une encre bistre, parues dans Métal Hurlant en 1977. Si cinq d’entre elles ont disparu, on retrouve les autres dans le formidable Druillet-Lovecraft publié par les éditions Barbier.
L’ouvrage rassemble les quatre nouvelles qui se trament autour du personnage de Randolph Carter : Le Témoignage de Randolph Carter, La clé d’argent, À travers les portes de la clef d’argent, À la recherche de Kadath. En France, les aficionados savent que ces textes ont été regroupés dans les années 1950 par les éditions Deux-Rives, sous le titre générique « Démons et merveilles ». En 1976, l’éditeur, Opta, les a republiées, accompagnées de dessins de Druillet. C’est cette version que les éditions Barbier ressuscitent luxueusement augmentée de nombreuses œuvres. Pour notre plus grande frayeur.
Druillet-Lovecraft
Éditions Barbier, 49,90 €