École : c’est pas plus mal que si c’était pire !

par Boris Enet |  publié le 17/01/2025

Cet emprunt à Michel Colucci pourrait s’appliquer à la situation de l’école. Le deal a bien eu lieu entre le Premier ministre et les socialistes à travers le rétablissement des 4000 postes enseignants supprimés dans le budget Barnier. Mais la question ne peut se restreindre à cette enveloppe. Tour des impasses.

La Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, quitte le conseil des ministres, le 15 janvier 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)

Triste opposition. La droite entend mécaniquement réduire le déficit à travers une cure d’amaigrissement de la fonction publique, la gauche refuse de soulever les questions qui fâchent en réclamant des moyens, rien que des moyens, sans droit de regard sur les services rendus au public. Une approche absurde qui n’épaule ni le monde enseignant au bord de l’implosion, ni le niveau de la nation de demain, mesurée par les cruelles enquêtes internationales sur le sujet. 

Malgré son caractère novice, l’arrivée Elisabeth Borne, ancienne Première ministre, à la tête d’un ministère d’Etat, seconde dans l’ordre protocolaire, laissait espérer une prise en charge ambitieuse des questions qui minent l’Education Nationale. Illusion déçue.

Un mois après sa prise de fonction, dans un contexte il est vrai particulièrement difficile, la paralysie est générale. Les directions des établissements scolaires attendent la réception de leurs DHG (Dotation Horaire Globale), retardées à fin janvier, afin de travailler sur les moyens et l’offre pédagogique de la prochaine rentrée. La réforme des groupes de niveaux voulue par Gabriel Attal, devenue celle des groupes de soutien est en stand-by. 

Non seulement, personne n’est en mesure de prédire si ces dispositifs très critiqués seront maintenus ou élargis mais, dans sa dernière interview au Parisien, la ministre évoque une possible disposition similaire en sciences en 4et 3e à raison d’une heure par semaine, de manière… souple. D’ailleurs une commission ad hoc rendra une première évaluation sur les mesures du choc des savoirs en mars, avant une seconde en juin. De quoi faciliter la vie des directions d’établissement. Car voyez-vous, à Grenelle, tout est désormais question de souplesse. Chacun sait que cela coince à tous les étages mais comme personne n’est habilité à le dire, toutes les décisions sont appliquées… avec souplesse. La nouvelle grande muette applique l’autonomie sans l’assumer tout en sanctifiant le devoir d’obéissance du fonctionnaire et républicain zélé. Les résultats attendront.

Une réponse originale et novatrice des formations syndicales enseignantes ? Sophie Vénétitay, pour le SNES/FSU réclame des moyens et la fin de la sélection par Parcoursup. Les moyens à coup sûr, si l’on en juge par la dernière étude européenne rapportant le nombre d’élèves par classe et son évolution en France. Enfin un podium. 

Encore faudrait-il avoir le courage d’assumer des procédures disciplinaires pour celles et ceux qui ne remplissent pas leurs tâches, abrités derrière la toute puissance du statut. Un facteur de découragement pour l’ensemble des usagers, mais également pour d’autres personnels motivés et fatigués par l’absence de déontologie imposée à tous pour des revenus maigrelets, uniformément répartis, indépendamment de toute évaluation. Dans ce domaine comme dans d’autres, il est donc urgent d’attendre. 

Quant à Parcoursup, la plateforme se réduirait à une opération de « tri » suscitant angoisse et mal être dans la jeunesse, d’où la demande pure et simple d’abrogation ! Précédemment, la plateforme APB (Appréciations post bac) était autrement plus sélective et bien moins efficiente. À moins qu’il faille s’interdire de sélectionner les candidats sur les résultats scolaires obtenus, ou de le faire sur d’autres critères toujours inconnus pour l’heure. On peut parfaitement discuter la précocité de la procédure et réfléchir à un autre accompagnement de l’orientation, sans tomber dans la démagogie la plus stérile.

Une fois encore, tout ceci n’est pas sérieux et ne permet pas d’entrevoir une refonte indispensable du fonctionnement de l’école. Tout juste, Elisabeth Borne consent-elle à soulever une question majeure, celle des rythmes scolaires, dont l’interminable pause estivale, handicap majeur pour les apprentissages des enfants des classes populaires. Mais la réflexion attendra 2026. Autant dire que, d’ici là, l’actuelle locataire de la rue de Grenelle sera sous d’autres cieux et qu’il y a fort à parier que les postures, toutes plus caricaturales les unes que les autres, auront repris le dessus pour un statu quo mortifère. L’éducation mérite mieux. La gauche aussi.

Boris Enet