École contre djihad
L’éducation est aussi un moyen de lutter contre le fléau islamiste en Afrique. Mais elle est très inégalement répartie entre les villes et les campagnes.
L’action armée ne suffit pas : la bataille contre les djihadistes passe aussi par la culture et l’enseignement. Sous l’égide de l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA), vient de paraître une étude qui éclaire les disparités affectant l’éducation primaire en Afrique subsaharienne francophone. Problème : c’est dans les campagnes, terrain de prédilection de l’islamisme, que les insuffisances sont les plus criantes.
S’appuyant sur les tests de qualification des enseignants conduits par la Conférence des Ministres francophones de l’Éducation (CONFEMEN), l’étude évalue, pays par pays, la proportion de professeurs qualifiés et la façon dont ces derniers sont répartis sur le territoire entre zones urbaines et zones rurales.
Contrairement à une idée souvent répandue, la proportion de professeurs qualifiés atteint des scores remarquables dans beaucoup de pays africains. Au Sénégal, au Burundi, au Burkina-Faso ou en Côte d’Ivoire, elle dépasse les 80% et s’approche même des 100% pour le Sénégal. Un peu en-dessous avec des taux allant de 40 à 80%, on trouve le Cameroun, le Bénin voire le Tchad. Mais le Togo et surtout Madagascar et le Niger ferment la marche, avec moins de 10% pour ce dernier pays.
Cumul des difficultés : les disparités qui touchent la qualification des enseignants entre milieu urbain et milieu rural sont les plus grandes dans les pays les plus mal classés. Au Tchad, les campagnes sont nettement privilégiées par rapport aux villes (plus de 80% dans les premières contre 40% pour les autres). C’est toutefois l’inverse au Togo, à Madagascar et au Niger.
Quant au nombre d’élèves par professeur (qualifié ou non), il varie, en moyennes nationales, entre 40 et 60 élèves. Au Sénégal, au Bénin ou même au Burundi, ce taux ne diffère guère si l’on considère la qualification du professeur. Il n’en est pas de même pour le Togo, Madagascar ou le Niger. Dans ces deux derniers pays, le nombre d’élèves par professeur qualifié dépasse 200 pour Madagascar, et 400 pour le Niger.
De cette étude ressortent ainsi deux conclusions à portée plus générale. Il apparait que certains pays d’Afrique de l’Ouest font un effort remarquable et peuvent ainsi déployer à travers leurs écoles, des maîtres suffisamment qualifiés pour assurer un enseignement primaire de bon niveau. C’est notamment le cas du Sénégal, du Burkina ou du Bénin, à la différence, hélas, de plusieurs autres pays.
La deuxième conclusion relève davantage de l’aménagement du territoire éducatif. Si le Sénégal, ou le Tchad se distinguent par une répartition plus favorable aux zones rurales, il n’en est pas ainsi ailleurs. Au contraire, tout donne le sentiment d’une qualification globale d’autant plus marquée en ville qu’elle est accentuée par le fort exode rural qui caractérise tous ces pays, sans exception. Comme si la qualification enseignante tendait à se muer en qualification urbaine. Cela ne peut qu’accroître les inégalités de développement, encourager encore davantage l’exode rural, et laisser encore plus démunies des populations rurales souvent oubliées par les États, notamment au Sahel face aux tentations islamistes.
Le Niger apparaît comme une sorte d’archétype : il conjugue faible qualification moyenne et abandon des zones rurales. Pourtant la junte au pouvoir ne cesse de clamer qu’elle a fait de la lutte contre les djihadistes son objectif premier…