École : la France accusée

par Boris Enet |  publié le 13/09/2024

Chaque année, l’OCDE compare l’évolution des systèmes éducatifs dans le monde. Une nouvelle fois, l’école française est sur la sellette.

France, Valence, 2018-10-19. Illustration d eleves assis a leur bureau dans une classe de lycee. (Photo Nicolas Guyonnet / Hans Lucas / AFP)

Un niveau moyen insuffisant, des inégalités excessives : une nouvelle fois, l’OCDE dresse un constat sévère sur le fonctionnement de l’école en France. Celui-ci vient confirmer les résultats des enquêtes Pisa, qui placent notre système dans un peu glorieux milieu de tableau. Chaque année, l’organisme international évalue les performances comparées des pays de la planète en matière d’enseignement. Le rapport qu’elle vient de publier, entre autres explications, met le doigt sur deux facteurs négatifs, dont la mise en exergue dérangera à droite comme à gauche.
Il s’agit d’abord du sort fait aux enseignants en France. Contrairement à ce que dit souvent la gauche, l’effort de la nation en faveur de l’école reste conséquent : la part du PIB consacrée à l’éducation se maintient à un peu plus de 5%. Mais contrairement à ce que soutient souvent la droite, les salaires enseignants demeurent désespérément faibles à l’exception de la revalorisation récente des rémunérations de début de carrière. Celles-ci ont gagné près de 1%, en compensation de l’augmentation du coût de la vie sur les huit dernières années. Mais pour l’OCDE, le niveau des salaires en milieu de carrière demeure d’une indigente attractivité, laquelle peut expliquer les difficultés de recrutement souvent rencontrées par l’Éducation nationale.

Les libéraux rétorquent souvent que ces rémunérations plus basses sont compensées par un temps de travail plus réduit qu’ailleurs (les vacances des profs, source inépuisable de quolibets…). Sauf qu’en réalité, il n’en est rien : l’OCDE révèle que dans le premier cycle du secondaire, un enseignant exerce à raison de 720 heures par an équivalent temps plein, contre 706 heures dans la moyenne des pays étudiés.

Il s’agit ensuite – sujet hautement sensible – de la situation de l’école privée, dont la droite défend bec et ongles les intérêts et accuse l’État de la maltraiter. L’organisation internationale révèle que trois quarts du budget des établissements privés sous contrat sont prélevés sur les deniers publics contre moins de 60% ailleurs, tandis que la ségrégation sociale et scolaire sévit nettement plus dans le privé. En un mot, la puissance publique privilégie les établissements – souvent ceux du privé – où les enfants les plus favorisés par leur milieu familial sont les plus nombreux. Un constat qui ne manquera pas d’interroger les forces progressistes à l’heure où les travaillistes britanniques ont décidé de taxer plus fortement le privé pour financer un système public trop longtemps abandonné pendant quatorze années de gouvernement conservateur.

Naturellement, ces chiffres recouvrent des disparités selon les cycles ou entre le primaire et le secondaire. Mais la sentence est cruelle pour le pays de Victor Hugo et de Jean Zay. La république, enracinée par la promesse éducative de l’émancipation pour échapper aux déterminismes sociaux et familiaux, fait pâle figure à côté de ses voisins. Un péril d’autant plus sérieux que la crise de recrutement et des vocations touche l’ensemble des pays de l’OCDE, particulièrement dans l’enseignement scientifique. A continuer à faire l’autruche, à refuser d’agir en amont, à éviter la tenue d’un vrai « Grenelle de l’éducation » quitte à tout remettre à plat, le risque est de constater dans l’éducation le même état déplorable que dans la santé. Deux préoccupations pourtant cardinales pour l’opinion publique et dont la défense a longtemps été la carte d’identité de la gauche et de la république.

Boris Enet