Éducation, morne plaine
Les derniers chiffres rendus publics pour les concours d’enseignement indiquent une nouvelle baisse d’attractivité du métier. Dans le secondaire, la dernière réforme du collège accentue même la crise.
Sempiternel constat et sempiternelles promesses. Un petit mieux pour le premier degré en termes de candidats après un effondrement de 40% depuis 2021 et un affaissement continu pour le second degré avec une nouvelle baisse de 3 000 postulants soit près de 4%. Face à une réalité attendue, devenue systémique, le ministère promet de reprendre la concertation sur la revalorisation d’un métier en jachère.
Les « institutionnels » de l’éducation, par la voie de la FCPE association de parents d’élèves située à gauche ou par celle du Snes-FSU, à travers sa secrétaire générale, repassent le même disque rayé chaque année, sans succès. Pourtant, la réalité de la crise est désormais visible à large échelle, presque paroxysmique dans les quartiers populaires, dont l’éducation est sacrifiée par des absences non remplacées ou des postes non pourvus tandis que le niveau des connaissances est souvent indigent.
Au cœur de ce récurrent constat, il y a plus accablant. La réforme du choc des savoirs, voulue par Gabriel Attal, a accru les difficultés. Les groupes de besoin au collège nécessitaient 2 300 postes dont 800 créations, d’où la circonspection de l’une de ses successeures, Nicole Belloubet, ancienne rectrice. L’éducation nationale était le sixième employeur civil du monde, elle finira donc bientôt sur le podium pour l’emploi de contractuels puisqu’il s’agit tant bien que mal de masquer la misère. Et tant pis pour le niveau des recrues. La question est particulièrement saillante en français avec 11% de places vacantes en lettres modernes et 36% en lettres classiques, dernier des Mohicans.
Autre déroute dénoncée par la cour des comptes, la réforme de la formation initiale et des modalités d’entrée dans le métier. Elles auraient accentué un peu plus les difficultés de recrutement sans aucunement rehausser le niveau attendu des candidats. La nouvelle grande muette n’est plus en capacité de nier ce que chacun peut facilement constater. Tout juste, ne confirme-t-elle pas les chiffres provenant des enquêtes syndicales émanant des enseignants ou des chefs d’établissement, sans en fournir d’alternatifs.
Dans ce contexte, la situation est davantage détériorée dans les réseaux d’éducation prioritaire et prioritaire renforcés (REP et REP+). Dans ces territoires souvent à l’abandon, le temps de cours se limite parfois à 25 minutes sur les 50 minutes théoriques, une fois la discipline effectuée. Des semaines, parfois des mois sont sacrifiés, venant décupler les difficultés. Bien sûr, il existe la possibilité de remplacements de courte durée sur la base du volontariat au sein de l’établissement, mais sans assurance qu’il s’effectue dans la même discipline. C’est ainsi que 10% des collèges et lycées manquent de professeurs de français, expliquant en partie les piètres performances des jeunes Français dans les classements internationaux. Quant aux remplacements déclenchés dès 15 jours d’absence par les établissements auprès des rectorats, encore faut-il trouver une bonne âme disponible, si tant est que le niveau requis soit très approximativement validé.
Et pourtant, ils continuent. Ils n’attendent plus grand chose ou si peu de l’institution et ont admis leur déclassement économique. Mais ils restent. Sophie poursuit avec constance et conviction militante la justification de l’inclusion auprès de ses collègues éprouvés, Mathilde ne se décourage toujours pas face à des classes de 3e devenues incapables de tenir un stylo faute de muscles suffisants dans les doigts à force de « screener », Séverine s’occupe avec la même bienveillance de ses élèves primo-arrivants pour leur fournir l’essentiel et leur trouver des stages quand Frédérique soigne ses protégés les plus prometteurs sur Parcoursup.
Avec toutes leurs failles et leurs réflexes parfois conditionnés, on ne répètera jamais assez combien ils demeurent des héros délaissés du quotidien face à une République qui néglige le devenir intellectuel de la majorité de ses enfants et ceux qui y ont consacré leur existence sans plus rien attendre en retour.