Éducation : une ministre ne devrait pas dire ça

par Malik Henni |  publié le 21/11/2024

Pour Anne Genetet, ministre, tous les élèves ont les mêmes chances de réussite dans le système scolaire français. Les rapports qui traitent de la question disent le contraire…

Une salle de classe dans une école primaire de la banlieue parisienne. Chanteloup-les-Vignes, 18/10/2024. (Photo Arnaud Paillard / Hans Lucas via AFP)

Entre deux critiques du président Donald Trump lors de son interview sur France Info le dimanche 17 novembre, la ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet a glissé une petite phrase qui aurait dû faire grand bruit. Mettant en avant l’uniformisation des programmes de la formation des enseignants, elle estime que « les élèves qui sont à Aubusson, (…) à Creil ou à Saint-Laurent-du-Maroni, (…) ont tous la même chance de réussite ».

La ministre, qui n’a jamais travaillé de près ou de loin sur les questions d’éducation, ignore la réalité de la situation de l’Éducation nationale. Elle se drape dans une égalité de façade, à savoir la même formation pour tous les enseignants, sanctionnés par un concours exigeant, pour nous faire croire que le service public rempli dûment sa mission partout sur le territoire. Or l’école de Jules Ferry a été, est et demeure inégalitaire.

Les rapports se suivent et se ressemblent : l’école française est l’une des plus inégalitaires de l’OCDE. L’institution internationale le rappelle : dans les classements PISA, la France apparaît comme un des pays qui affiche le pire écart de réussite entre les enfants les plus défavorisés et ceux issus des familles les plus riches. A propos de la Seine-Saint-Denis, le rapport parlementaire Cornut-Gentille & Kokouendo de 2018 estime qu’un élève perd une année totale d’enseignement à cause de l’absence de professeurs remplaçants sur l’ensemble de sa scolarité. De plus, les classes préparatoires et les grandes écoles accueillent un nombre ridiculement bas d’enfants d’ouvriers : 90% des étudiants viennent d’un milieu favorisé.

La ministre prend également l’exemple des élèves en situation de handicap, que les partisans trumpistes voudraient exclure des écoles. De fait, ils le sont déjà : chaque année, l’Union nationale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales (Unapei) dénonce la situation de ces élèves qui n’ont pas de place à l’école. En cause : le manque d’AESH, ces fonctionnaires chargés d’accompagnés les enfants ayant des besoins spécifiques. Ils ont manifesté en octobre pour dénoncer des conditions de travail dégradés et une rémunération insuffisante.

Un sondage Ifop(*) montre que les Français ne s’y trompent pas : 63% d’entre eux estiment que le système scolaire échoue à donner les mêmes chances à tous les élèves. Une rupture d’égalité que la ministre refuse de nommer, alors que les métiers de l’enseignement n’attirent plus. Le mythe libéral de l’égalité des chances de départ permet de légitimer les inégalités de situation : si l’on part tous de la même position, ceux qui vont plus loin le doivent à leur travail, leur acharnement. Au contraire, les plus précaires ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.

Et les dispositifs REP/REP+ n’offrent pas de moyens substantiels pour pallier les inégalités. Pour faire émerger la vérité, une mesure simple intégrée au projet de loi de finances permettrait de prouver ce que chacun sait déjà : la géolocalisation les dépenses publiques.

(*) Étude signée “Les Sherpas” et conduite par l’Ifop

Malik Henni