Les machos font de la résistance

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 07/03/2025

En cette journée internationales des droits des femmes et quitte à heurter la bonne conscience masculine, il faut rappeler quelques vérités désagréables.

Comme à chaque 8 mars, on entend déjà soupirer beaucoup d’hommes sur le thème : que veulent-elles encore, n’ont-elles pas tous les droits ? Au risque de décevoir nos amis machos – et mal informés – l’égalité existe les textes, mais pas dans la vie, où le sexisme et les inégalités reculent à une vitesse millimétrique.

Quelques chiffres décilleront les sceptiques. Égalité professionnelle ? Les hommes gagnent en moyenne 32% de plus que les femmes, lesquelles ont une retraite inférieure de 40%. On ne trouve que quatre femmes à la barre des entreprises du CAC 40, deux à la tête de fédérations sportives olympiques et deux sur dix au poste de maire. Rares sont les professions qui échappent au plafond de verre – quand ce n’est pas au plancher collant – avec son cortège de salariées précaires ou à temps partiel reléguées dans les métiers du « care ».

Égalité face à la justice ? Pour cent mille victimes de viols, à peine 1% de condamnations. Le viol est le seul crime où la victime est suspectée de mentir ou d’être coupable de ce qu’il lui arrive. Et pourtant, la criminalité est avant tout masculine : les hommes représentent 97% de la population carcérale. Égalité à la maison ? Les femmes assument 50% de plus que leurs compagnons les tâches domestiques ; elles ont la responsabilité de 85% des familles monoparentales. Les droits, telle une poignée d’eau, restent insaisissables. Le rythme des avancées est lent, freiné par le poids de réflexes séculaires. Encore un passé qui ne passe pas.

Il y a aussi la mauvaise volonté, persistante et pernicieuse. Exemple : le secteur du cinéma peine à admettre ses responsabilités et à condamner, six ans après #Metoo, des pratiques qui s’apparentent à un droit de cuissage général. Et que dire des magistrats – récemment dénoncés par la CEDH – qui s’abstiennent de considérer le « devoir conjugal » comme un viol quand il est dénoncé par des conjointes « honorées » contre leur volonté ?

Le pouvoir reste largement masculin. Au firmament de la République, deux premières ministres sont passées telles des étoiles filantes. Encore plus fermé, le secteur de la finance, nerf de la guerre : il n’y a que deux banques dirigées par des femmes, qui ne sont pas les plus imposantes. Un certain monde masculin s’accroche à ses privilèges. Sans quotas pas de résultats. Comme dit Christine Lagarde, une de ces rares femmes puissantes qui servent de cache-sexe, si l’on peut dire, à l’armée des hommes de pouvoir : « quand on légifère, on trouve des femmes ; quand on ne légifère pas, on trouve des excuses ».

Quand on veut faire carrière, la maternité reste un fardeau ; entre les deux il faut souvent choisir. Pour suivre un cursus normal, les femmes devraient-elles sacrifier leurs enfants ? Les hommes ignorent ce dilemme. Et si les femmes choisissent leurs enfants, c’est un manque à gagner pour la société de s’en passer à des postes de responsabilité, notamment dans les secteurs scientifiques ou technologiques. Le coût du mépris…

Malgré des progrès réels, la « condition féminine » (on n’oserait plus baptiser un ministère ainsi) relègue toujours femmes en seconde zone. Combien de procès Pélicot pour que les mentalités changent vraiment ? Quand abolira-t-on les stéréotypes qui créent les injustices et, dans un fatal continuum, mènent aux pires violences.

L’éducation à l’égalité et la régulation du numérique sont au cœur du combat. Tant qu’Internet inoculera massivement des valeurs de domination et d’agressivité masculine, la société offrira aux hommes un modèle délétère et l’égalité réelle restera un mot creux. Déjà la régression point chez les jeunes générations, où les masculinistes progressent sans cesse. Dans les temps anciens, il ne choquait personne que madame de Mortsauf, à la fin du Lys dans la vallée, dise lors de son dernier souffle à Félix de Vandenesse : « J’ai parfois désiré de vous quelque violence ». Qu’écrirait Balzac aujourd’hui ?

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse