Emploi : plus dure sera la rechute

par Gilles Bridier |  publié le 13/12/2024

La crise politique éloigne l’objectif de plein emploi, marqueur principal de la politique d’Emmanuel Macron pour son deuxième quinquennat.

Manifestation contre le gouvernement lors d'une journée de mobilisation et de grève, le 10 octobre 2024, à Grenoble. (Photo de Maxime Gruss / Hans Lucas via AFP)

« Objectif plein emploi » ? Le leitmotiv de l’Élysée prend du plomb dans l’aile. Selon l’Insee, de 9% fin 2017, le taux de chômage était descendu à 6,9% fin 2022. Mais, depuis la fin du « quoi qu’il en coûte » et le couperet tombé sur les entreprises les plus fragiles dopées au Prêt garanti par l’État (PGE), le nombre de chômeurs est reparti à la hausse. Le taux de chômage au sens du Bureau international du Travail (BIT) est remonté fin septembre à 7,4%. 

Le plus inquiétant est encore à venir. Non seulement cette inversion de la courbe ramène la situation de l’emploi trois ans en arrière, mais les annonces de plans sociaux, voire carrément de fermetures d’entreprises, se multiplient. Le Medef sonne l’alerte à Matignon. L’actualité a été marquée par des saignées chez Arcelor, Michelin, Auchan, Valeo, le sous-traitant de l’automobile MA France… Et on assiste à la multiplication des faillites de petites ou très petites entreprises, souvent créées par d’anciens salariés licenciés, à cause de la défection de leurs clients. Quand les entreprises vont mal, les services aux entreprises périclitent.

Les experts, tant syndicaux que patronaux, se rejoignent aujourd’hui sur une évaluation de 250.000 emplois menacés. Même avec les départs en retraite, le nombre de demandeurs d’emploi pourrait augmenter de quelque 10%, et le taux de chômage revenir très vite autour de 8%… son niveau de fin 2019. Cinq ans d’efforts à rattraper. L’objectif du plein emploi en 2027, qui suppose un taux de chômage à 5%, s’éloigne un peu plus. 

Coups d’épée dans l’eau

Pourtant, le chef de l’État a multiplié les initiatives en faveur de l’activité des entreprises et de l’investissement. Même Elon Musk avait salué sa politique « pro-business », sans toutefois aller jusqu’à appuyer ses propos par un investissement en France. 

La transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègement de cotisations patronales (transformation prévue par François Hollande et réalisée par Emmanuel Macron) avait été saluée par le milieu patronal, qui avait aussi applaudi la réduction à 25% de l’impôt sur les sociétés. Les plans « France Relance » et « France 2030 » ont soutenu les projets en faveur de la réindustrialisation du pays. La communication a été intense autour des opérations « Choose France » pour attirer les investisseurs internationaux. Autant de coups d’épée dans l’eau ?

En outre, l’ex-Premier ministre Gabriel Attal s’apprêtait à durcir le régime de l’allocation chômage pour inciter les demandeurs d’emploi à reprendre un travail, lorsque le chef de l’État décida la dissolution de l’Assemblée nationale en juin, contraignant son gouvernement à la démission. 

Sale coup pour l’emploi : alors que l’Insee percevait un frémissement plutôt favorable sur le premier semestre 2024, voilà que le chômage remonte au troisième trimestre, avec des perspectives carrément sombres pour la suite. 

Le prix du risque

La crise politique qui plonge tous les acteurs de la vie économique dans l’incertitude pousse le pays dans une spirale de l’échec. Certes, la France dont le savoir-faire dans la collecte de l’impôt est reconnu, n’est pas aux yeux des investisseurs internationaux dans la situation de la Grèce au moment de la crise de l’euro, au début des années 2010. Mais, lorsque le risque augmente, les taux d’emprunt grimpent. Et l’incertitude induit un risque que les marchés financiers font payer, surtout au moment où l’économie allemande est elle-même fragilisée.

Alors que le Trésor s’apprête à émettre l’an prochain 300 milliards d’euros d’emprunts, le montant du service de la dette – proche de 55 milliards en 2023 – n’en sera que plus lourd. Cela réduit mécaniquement les marges de manoeuvre de l’État pour intervenir en soutien des secteurs les plus touchés. 

Le gouvernement de Michel Barnier s’était engagé fin novembre à débloquer une enveloppe de près de 700 millions d’euros pour aider les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique. Il s’était aussi prononcé pour une simplification des procédures administratives. 

Qu’en sera-t-il de ces mesures ? Face à un tel manque de visibilité, les entreprises ont tendance à geler leurs projets, de développement comme d’embauches. Et quid de la santé, de l’enseignement, de la sécurité ? Au final, qui saura briser cette spirale née de la crise politique ?

Gilles Bridier