Esmeraldati
La ministre de la Culture veut instaurer un droit d’entrée à Notre-Dame pour sauver les églises françaises. A-t-elle vraiment tort ?
En cette période de disette budgétaire, Rachida Dati a eu une idée pour entretenir le patrimoine religieux du pays : non pas danser sur le parvis de Notre-Dame à la manière de l’héroïne de Hugo, Esmeralda, mais plus prosaïquement, demander aux visiteurs de la cathédrale d’acquitter une obole de cinq euros pour y pénétrer. Ce droit d’entrée, dit-elle, peut rapporter 75 millions d’euros par an, qui seront affectés à la réparation des églises dont les municipalités ne peuvent financer les travaux faute de moyens.
Aussitôt une paradoxale coalition s’est nouée pour annuler ce projet sacrilège, à la manière de Quasimodo défendant l’entrée de la cathédrale contre l’assaut des truands de la Cour des Miracles. La gauche proteste en brandissant la loi de 1905, qui proscrit toute taxe dans les édifices religieux et en arguant que le bon peuple doit pouvoir accéder librement à ce monument national ; l’Église se met en travers en excipant d’une longue tradition qui laisse les fidèles décider eux-mêmes des concours sonnants et trébuchants qu’ils souhaitent accorder au culte catholique.
Ces arguments d’apparence convaincante sont moins solides qu’il y paraît. Notre-Dame est envahie par le « surtourisme » et l’on ne voit pas ce qu’il y aurait de mal à mettre à modeste contribution ces visiteurs d’un jour, dès lors que l’entrée resterait libre pendant les offices. Le refus de tout prélèvement transfère la totalité de la charge d’entretien à l’État, c’est-à-dire au contribuable, qui devra acquitter un prix supérieur pour venir au secours des bâtiments religieux. À moins de les laisser dépérir. On peine à comprendre en quoi cette position est plus laïque que l’autre…
Quant à l’Église, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle applique le principe de gratuité avec un souplesse quelque peu jésuitique : elle fait déjà payer l’accès des tours et du trésor de la cathédrale ; et dès qu’on sort de France, en Espagne et en Italie par exemple, vieux pays catholiques, l’entrée de nombreux édifices cultuels est payante. On objecte que l’Église, dans ces pays, est propriétaire des murs, ce qui n’est pas le cas en France. Ce qui veut donc dire que l’Église défend le principe de la gratuité quand elle n’en supporte pas le coût, mais l’abandonne dès qu’elle doit mettre la main à la poche…
Remède empirique, la mesure proposée par Rachida Dati est un expédient partiel, mais utile. Pourquoi ne pas l’examiner avec un peu de compréhension ? Entretenir le patrimoine en économisant l’argent public : serait-ce si stupide ?