Et si Bayrou durait ?

par Valérie Lecasble |  publié le 28/02/2025

Malgré les menaces de censure, le Premier ministre entend poursuivre sa tâche jusqu’en 2027 pour « affronter les défis irrésolus depuis trente ans ». Il y a du Don Quichotte chez cet homme-là…

Portrait du Premier ministre François Bayrou lors de sa visite au Salon international de l'agriculture (SIA) 2025 à Paris, France, le 24 février 2025. (Photo Bastien André / Hans Lucas via AFP)

« Il vous intrigue, hein, le béarnais ! ». C’est l’interrogation goguenarde de l’un de ses proches, après la dernière trouvaille de François Bayrou, qui envisage d’organiser un référendum en cas de blocage des négociations sur les retraites. Depuis deux mois et demi qu’il est à Matignon, Bayrou déconcerte. Pourquoi évoquer un appel au peuple alors que débutent à peine les négociations entre les syndicats et le patronat ? L’idée est décalée, elle intervient trop tôt, elle est même saugrenue, tant paraît difficile la rédaction de la question à poser aux Français, du style « voulez-vous travailler plus longtemps pour toucher moins de pensions ? ». Alors pourquoi cette diversion ? Pour mettre la pression, sans doute…

Indifférent aux menaces de censure, François Bayrou se donne jusqu’en 2027 pour réussir. « Nous devons affronter les défis irrésolus depuis trente ans », titre en Une Le Figaro à qui il a accordé une longue interview. Rien que cela. Sur des questions aussi ardues que les relations entre la France et l’Algérie, les retraites, ou « qu’est-ce qu’être Français ? », le premier ministre assure qu’il ne reculera pas. Pour contraindre les Algériens à récupérer chez eux leurs ressortissants sous le coup d’OQTF, il dénoncera s’il le faut, après un délai de quelques semaines, l’accord historique passé en 1968 entre la France et l’Algérie. Sur l’identité française, il ouvrira des conventions citoyennes dans tous les départements. « Le contrat social fait que le principe de notre vie en commun n’est pas le chacun pour soi mais le tous pour un », commente-t-il.

Sur les retraites, enfin, il se dit convaincu qu’« existent des chemins pour une réflexion sérieuse », qui pourraient mêler les propositions les plus constructives des réformistes de la CFDT, de l’UNSA, et peut-être même du nouveau président de la CPME, Amir Rezea-Tofighi, qu ont imaginé de nouvelles recettes pour financer les retraites. Pas question, a contrario, de baisser le niveau des pensions qui sont selon Bayrou un « salaire différé » que mérite le retraité qui a travaillé. Et si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à un accord, il les court-circuiterait : « lorsque les questions sont bloquées, lorsqu’il n’y a pas de résolution possible, le référendum est une issue ». Voilà bien l’attitude volontariste du locataire de Matignon : au pied de l’Himalaya, il croit toujours le gravir. Au fil des jours, on découvre la réalité d’un Bayrou plus sûr de lui qu’on ne pense.

Sa méthode dérange. Cette façon qu’il a de se perdre dans ses fiches ; de donner le sentiment de survoler les dossiers ; de chercher ses mots ; de souffler le chaud puis le froid avec les socialistes ; de libérer à sa guise son agenda ; de prendre son temps pour aller dignement enterrer un ami ; de laisser chacun de ses ministres s’égosiller sans toujours leur donner de ligne directrice ; de contre-attaquer sévèrement plusieurs personnalités de gauche pour se dédouaner des accusations qui lui sont portées sur Bétharram : tout cela paraît décousu, inconséquent, flou.

La grande inconnue est donc aujourd’hui : ses grandes promesses seront-elles suivies d’effets. Ou bien, tel Don Quichotte, sera-t-il celui qui défend des causes qu’il n’a pas les moyens de faire triompher, guidé par ses idées plutôt que par des considérations tactiques ? Après les paroles et les promesses, il s’agira de passer aux actes : on verra bien s’il a les moyens de ses ambitions. Dans son discours sur l’Europe, Emmanuel Macron a dit à propos de l’Algérie « on ne va pas dénoncer de manière unilatérale les accords de 1968 ». Comme si Sancho Pança réduisait déjà les ambitions de Don Quichotte….

Valérie Lecasble

Editorialiste politique