Et si l’écologie était, par nature, « punitive » ?

par Laurent Joffrin |  publié le 12/06/2025

Depuis six mois, l’écologie a subi plusieurs revers spectaculaires. Trahison des pouvoirs publics ? Négligence de la classe politique ? Aveuglement général ? Pas seulement : à chaque fois, c’est la protestation populaire qui a fait reculer l’État.

Laurent Joffrin

Annulation pure et simple du principe des zones à faibles émissions (ZFE), loi Duplomb qui annule l’interdiction de produits chimiques néfastes, retard dans la mise en place de la règle « zéro artificialisations nettes » (ZAN), allègement des lois contre les passoires thermiques : depuis le début de l’année, le gouvernement a accepté – ou initié – plusieurs reculs notables qui contredisent son ambition écologique.

À juste titre, on dénonce ces revirements, qui trahissent des promesses pourtant maintes fois répétées avec une ferveur impressionnante. Il y a un double langage dans le macronisme qui mérité d’être stigmatisé à sa juste mesure. On tient des discours impeccables à la télévision, ou bien lors des conférences internationales, ce qui pose Emmanuel Macron en croisé de la cause climatique, mais on fait – ou on laisse faire – le contraire dans le cours réel des décisions gouvernementales.

Encore faut-il, au fil de ces réquisitoires, rappeler le déroulement réel de ces reculades. À chaque fois, il faut bien le reconnaître, l’action écologique a été contrecarrée par un refus populaire. Les ZFE ont été écartées à la suite de la campagne à la fois démagogique et efficace menée par l’écrivain et agitateur Alexandre Jardin au nom des « gueux » propriétaires de véhicules anciens qu’une législation écologiste « hors-sol » aurait, dit-il, empêché d’accéder au cœur des villes.

La loi Duplomb est née de l’inquiétude des agriculteurs devant le durcissement des normes encadrant l’usage des produits chimiques censés protéger les cultures. La lutte contre l’artificialisation des sols se heurte à la volonté de nombre d’élus locaux qui veulent décider librement de l’urbanisation de leur commune. Enfin l’interdiction de louer des « passoires thermiques » met en colère nombre de petits propriétaires qui sont privés du modeste revenu additionnel sur lequel ils comptaient.

Pourtant, au regard des nécessités écologiques, sanitaires ou climatiques, ces mesures sont logiques, rationnelles et justifiées. C’est là qu’on touche au cœur de la question. On peut retourner le problème dans tous les sens : pour verdir les politiques publiques, il faut imposer aux citoyens de nouvelles contraintes. Un peu comme dans un régime alimentaire : pour préserver sa santé à long terme il faut à court terme changer ses habitudes et accepter des efforts contraignants et fort désagréables. C’est irénisme et mensonge que de prétendre le contraire : en ce sens, l’écologie, impératif catégorique si l’on veut préserver les équilibres écologiques qui rendent la vie humaine possible, est par nature « punitive ».

D’où la montée en puissance du déni climatique et du refus populaire de l’écologie, appuyée sur la protestation des populations concernées, qui a aussi sa logique et sa légitimité. À cette contradiction oxymorique, il n’y a qu’une seule solution : compenser par la redistribution financière les contraintes imposées aux classes défavorisées au nom de l’écologie. C’est-à-dire infliger aux classes plus riches des efforts supplémentaires. Ce qui confirme la thèse initiale : par nature, pour les riches ou pour les pauvres, l’écologie est décidément « punitive ».

Laurent Joffrin