Et si Lecornu avait raison ?

par Gilles Bridier |  publié le 22/10/2025

Certains y perdront, d’autres pas. Si l’abattement de 10% pour les retraités est remplacé par un abattement de 2000 euros par personne, comme le prévoit le gouvernement, les petites retraites y gagneront. Ce que l’opposition oublie…

Des billets de cinquante et vingt euros étalés sur un avis d’impôt sur les revenus d’une retraitée. (Photo de Serge Tenani/Hans Lucas via AFP)

La fin de l’abattement de 10% pour les retraités : de quoi parle-t-on? La commission des finances de l’Assemblée nationale a retoqué mardi l’article 7 du projet de budget qui prévoit de mettre fin à cet avantage pour les foyers fiscaux et de le remplacer par une déduction forfaitaire de 2000 euros. C’est la grande nouveauté. Certains crient victoire pour les retraités : le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît.

L’abattement de 10% est plafonné à 4399 euros pour un foyer fiscal, dans sa version 2025, correspondant à 44.000 euros de pensions ou plus dans l’année. Avec un abattement forfaitaire de 2000 euros, une personne retraitée célibataire touchant plus de 20.000 euros de pensions par an sera pénalisée, jusqu’à 2399 euros (non pas sur son impôt mais sur son montant imposable) si la mesure devait être adoptée dans le débat à l’Assemblée.

Mais un foyer fiscal peut aussi être composé de deux contribuables qui remplissent une déclaration commune. Or, alors que l’abattement de 10% s’applique actuellement pour le couple, la déduction forfaitaire de 2000 euros serait « applicable aux pensions de retraite perçues par chaque membre du foyer fiscal », précise le projet de loi de finances 2026. Soit 4000 euros d’abattement forfaitaire pour un couple de retraités imposables, quel que soit le montant de leurs pensions. Pour les couples de retraités qui bénéficiaient de l’abattement à son plafond de 4399 euros, et qui touchent donc plus de 44000 euros de pension à deux, la différence avec l’abattement forfaitaire de 2000 euros par personne n’apparaît pas d’une grande pertinence.

Il y a d’autres cas de figure, notamment les retraités célibataires déclarant moins de 20.000 euros de pensions par an et pour lesquels l’abattement de 10% est inférieur à 2000 euros. Il y a également les couples de retraités qui reçoivent moins de 40.000 euros de pension à deux et pour lesquels l’abattement est jusqu’à présent inférieur à 4000 euros sur leur avis d’imposition. Ceux-là auraient plutôt intérêt à l’adoption de la mesure qui prévoit l’abattement forfaitaire. Pour tous ces contribuables, la nouvelle mouture de l’abattement serait plutôt favorable.

Qui, alors, serait perdant dans le projet de loi de Finances 2026 ? D’abord, les retraités célibataires dont le montant des pensions se situe entre 20.000 et 44.000 euros par an et au-delà, pour lesquels l’abattement en 2025 est compris entre 2000 euros et le plafond 4399 euros. Ensuite, les couples de retraités recevant entre 40.000 et 44.000 euros de pension par an, ceux dont le montant des pensions est supérieur n’étant pas lourdement impactés par la mesure.

Si les contribuables doivent contribuer au redressement des finances de l’Etat, la contribution des retraités à cet effort participe d’une démarche républicaine au même titre que d’autres citoyens… aussi longtemps toutefois que ces efforts sont partagés en fonction des ressources de chacun. Si la polémique demeure, c’est justement sur la répartition des efforts : la contribution réclamée aux catégories les plus favorisées n’est pas jugée équilibrée, et d’abord sur le principe. Mais en l’occurrence, peut-on parler d’acharnement contre les retraités dans la mesure où le remplacement de l’abattement de 10% par un abattement forfaitaire se révèle plutôt favorable aux retraités du bas de l’échelle ? Voilà ce que les députés devront prendre en compte en séance plénière.

Gilles Bridier