Et si Trump était juste un abruti fini ?

par Boris Enet |  publié le 09/03/2025

Formulée ainsi, la proposition peut sembler lacunaire et opportunément provocatrice. À la lumière des faits et des conséquences de ses décrets, elle n’est pas moins légitime que celle soulevée quant à sa santé mentale par l’opposition démocrate lors de son premier mandat.

Donald Trump descendant d'Air Force One à l'aéroport international de Palm Beach à West Palm Beach, en Floride, le 7 mars 2025. (Photo de Roberto Schmidt / AFP)

En 2018, profitant d’un bulletin de santé vérifiant son poids, sa pression artérielle et son taux de cholestérol, celui qui se qualifiait alors de « génie très équilibré » rejetait avec la véhémence qu’on lui connait les interrogations des éditorialistes du Washington Post et d’un collectif de psychiatres américains. Dès l’été 2016, à la faveur des primaires républicaines, une partie des autorités médicales, diagnostiquaient un symptôme de « narcissisme malfaisant » sans pouvoir approcher le patient. De peur qu’il ne morde ?

Bien sûr, la matière est sujette à précaution et l’embarras est profond. Mais, soyons honnête, ils ne le sont pas moins que la pénible litanie des commentaires sur la psychologie du deal chez le patient ou la dialectique du rapport de force enfanté dans le milieu de l’immobilier new-yorkais. Les connaissances géographiques, constitutionnelles, historiques, sociales, économiques de Donald Trump sont proportionnelles à l’étendue de son champ lexical. Le déplorer n’offre pas une alternative pratique, si ce n’est de se saisir enfin des questions d’éducation en Occident afin d’éviter la pandémie.

Sauf que la bêtise, portée à un tel niveau d’exigence, a des conséquences tragiques et pratiques. Laissons de côté les déclarations contradictoires sur les droits de douane à l’encontre de ses voisins ou des européens et constatons simplement que les marchés, eux aussi, commencent manifestement à s’interroger. Sur le plan international, le « narcissisme malfaisant » a abouti à une collaboration active avec l’ennemi – pour ne pas dire intelligence -, une forme de SRO – Service Rendu Obligatoire- et non de STO contraignant le président Zelenski en lui bandant les yeux devant la recrudescence des salves de Poutine. Ces dernières 72 heures marquent ainsi un nouveau seuil dans l’affirmation de l’axe Washington-Moscou, sacrifiant des victimes civiles ukrainiennes par dizaines en privant Kyiv de moyens de renseignement, permettant notamment l’interception des drones iraniens.

De ce point de vue, la qualification de la trahison de la part des chancelleries européennes, par-delà la difficulté de l’exercice, est en deçà de l’indicible félonie. Et pendant que le ravi de la crèche met toute son énergie à défaire les démocraties libérales, Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie du Tsar donne une conférence de presse avec son homologue iranien pour annoncer des exercices d’entraînement militaire en compagnie de la Chine populaire.

Sur le plan intérieur, le satrape de Washington a décidé d’un trait de plume de transférer des femmes transgenres incarcérées dans des prisons pour hommes malgré l’opposition de tribunaux et du Bureau des Prisons des États-Unis (BOP). Aucune sentence n’interdit d’associer la bêtise à la cruauté dans cette Blitzkrieg idéologique conduite par son équipe.

De quoi relativiser nos critiques à l’égard de l’opposition démocrate et de nos amis américains, probablement aussi décontenancés que nous devant le problème. Est-ce un con, un salaud ou les deux à la fois ? L’attitude démocrate consistant à attendre qu’il se prenne seul les pieds dans le tapis est forcément périlleuse et, si comparaison n’est pas raison, nous rappelle immanquablement l’attitude des chancelleries européennes à l’encontre du chef du NSDAP porté au pouvoir en 1933, unanimement programmé pour quelques mois…

Toutefois, le risque est aussi – et d’abord – pour la société civile américaine dont les élites culturelles et scientifiques sont pétrifiées. Si le mouvement Stand up for science est une première réaction, relayée internationalement, elle ne permet pas pour l’heure d’ouvrir un indispensable front au cœur de la citadelle américaine alors que le gang de la Maison Blanche, de Vance à Bannon, s’organise déjà pour renverser la constitution et promouvoir son champion en 2028.

Le démocrate Jamie Raskin, clairvoyant dès le premier mandat du Néron des Amériques, avait présenté un projet de loi au congrès, proposant une commission de onze personnes comportant notamment psychiatres et neurologues. En cas de défaillance majeure d’un locataire sans contrôle à la Maison Blanche, l’amendement 25 de la constitution aurait alors permis de nommer…le vice-président. Aïe !

Boris Enet